Dominic Bérubé travaille comme coordonnateur de la Maison du Frère Moffet, ce religieux entêté dont l’obstination a eu raison de ses supérieurs religieux et lui a permis d’hériter du titre de père de l’agriculture du Témiscamingue. S’il travaille à Ville-Marie dans la plus vieille résidence encore debout du Témiscamingue (elle date de 1881), Dominic Bérubé, de son nom d’artiste Marionnette Pointue, a lui aussi sa propre histoire qui n’a rien de banal. 

Originaire du Témiscamingue, Dominic Bérubé est allé vivre quelques années à Montréal avant de revenir dans la région en 2011.« J’en suis à ma cinquième carrière depuis je suis revenu ici. J’ai même été croquemort », raconte-t-il en riant, ce qui met déjà la table pour un récit singulier.

Les différents milieux de travail fréquentés depuis son retour au Témiscamingue ont certainement teinté, par le fait même, son imaginaire. De croquemort à son travail dans une mine à forer avec une pointe de diamant jusqu’au musée du Père Moffet, ces environnements ont laissé des traces dans un imaginaire déjà fertile. 

 « J’ai toujours la tête pleine de projets », avoue candidement Dominic Bérubé.

Ce boulimique des sons et des agencements a accumulé une quantité considérable de matériel et de pièces, mais n’a pu réunir le tout avant maintenant.

« Je n’avais pas le temps ni les moyens pour sortir mes albums », explique-t-il. Et puis, il y avait aussi la petite famille, mais les enfants sont plus grands à présent. 

C’est donc un concours de circonstances, des revenus qui s’améliorent et un travail saisonnier où les périodes creuses riment avec inspiration fructueuse qui ont fait que Marionnette Pointue peut ainsi livrer son matériel planant, énigmatique par moments, tantôt jazz, un peu nouvel âge et parfois résolument dark ambient.

Le 19 mai à Lorrainville, dans la Fabrique de Geppetto, Marionnette Pointue a choisi de lancer, d’un seul coup, quatre albums : Les vestiges de l’Homme, UrbanophoneLa Marée et la Lune et Pineal Party, dont les pochettes ont été réalisées par l’artiste visuelle témiscamienne Émilie B. Côté. 

Ces quatre albums ne sont pas tant une suite que quatre univers distincts. Différents et reflétant aussi l’auteur lui-même, qui refuse la contrainte de s’imposer (ou de se limiter) à un style. Il préfère se laisser porter par les courants.

Les vestiges de l’Homme, par exemple, comptent des pièces qui remontent à 2012.

« J’étais dans une période de ma vie un peu plus difficile. Les vestiges étaient aussi les miens. On y retrouve un son électro, mais inspiré du rock progressif », résume Dominic Bérubé.

Sur Pineal Party, Marionnette Pointue propose plutôt une trame méditative alors qu’une expérience plus planante et jazz-lounge est offerte sur Urbanophone. L’autre album, La Marée et la Lune, suggère une tout autre atmosphère que Dominic Bérubé décrit comme « proche du dark ambient, s’inspirant de l’imagerie maritime et astronomique du 19e siècle ».

Voyager avec Marionnette Pointue, c’est accepter de voguer entre des mondes qui intriguent et inquiètent, qui sont empreints de mystères et souvent déroutants. Plusieurs pièces s’écoutent comme la trame sonore d’un film dont il faut soi-même produire les images. Cette musique peut vivre d’elle-même ou encore devenir l’emballage d’une autre création.

« C’est une musique très cinématique. Les pièces génèrent beaucoup d’images et viennent créer des ambiances planantes propres à la création. Elles pourraient devenir la trame d’expositions, par exemple », ajoute Dominic Bérubé.

 

100 % Témis… 

« Je fais tout moi-même! J’ai même acheté une tour pour dupliquer les albums », lance-t-il.

Après la faillite de différentes compagnies de distribution, dont Local Distribution et DEP, les artistes doivent trouver d’autres manières de partager leur musique. Pour Dominic Bérubé, la stratégie passera par plus de 200 plateformes numériques sur des marchés tant canadien qu’européen et asiatique, quelques disquaires en Abitibi et même… du porte-à-porte.

« C’est aussi une façon d’expliquer ma démarche aux gens et d’avoir une proximité avec le public. Ça ne se traduit pas toujours par des ventes, mais je présente mon projet. » Il y voit également une manière de faire du markéting direct. Et les rencontres avec les gens débouchent par moments sur des demandes inusitées.

« Je me suis fait encore demander des cassettes lors de mes sorties porte-à-porte. À un point où… j’y pense », affirme-t-il.

De la musique électro sur ruban? Décidément, Marionnette Pointue refuse toute frontière…

 

La boite à musique s’emballe

« La machine à musique ne s’arrête jamais », reconnait Dominic Bérubé, qui annonce déjà l’arrivée d’un cinquième album en 2018, Mystik Machine, avec du tout nouveau matériel.

« À Montréal, j’avais mes cercles et si j’avais besoin de quelque chose, je pouvais échanger. Ici, j’ai dû faire usage de banques de sons libres de droits et faire mes montages avec Audacity. Mais pour le prochain album, je me suis monté une banque de sons avec de la guitare, de la base, des enfants qui jouent, des chants d’oiseaux. Ce sera vraiment moi, de A à Z », annonce-t-il.


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.