Comment poursuivre le cours de sa vie lorsqu’une partie de celle-ci part à la dérive, absorbée dans le brouillard? Comment meubler les heures qui, autrefois, passaient si rapidement, et qui, aujourd’hui, languissent au point de nous laisser penser que le temps a lui aussi décidé de hisser le drapeau blanc?
Dans Ça va aller (Lévesque éditeur, 2018), dernier ouvrage de l’écrivaine rouynorandienne Isabel Vaillancourt, une femme apprivoise le présent alors que son amant sombre chaque jour un peu plus dans son mal, la démence à corps de Lewy.
Dans une solitude nouvelle, jalonnée de souvenirs d’une vie passée en coup de vent, le temps semble figé et les habitudes d’hier se heurtent maintenant à toutes sortes d’obstacles. Comme l’écriture, dont on ne sait plus trop pourquoi on s’y adonne depuis qu’on est seul, mais qui, assurément, n’est pas vaine. Car pourquoi écrire? « Pour laisser aller les choses, pour ajouter de la distance entre ce qui fut inéluctable et le présent. Parce qu’on finit par se sentir bien dans ce présent, bien que l’on se sente coupable de la perte de l’autre ». Parce que le printemps finit toujours bien par revenir, lui, pour virer l’hiver.
Le livre d’Isabel Vaillancourt, bien qu’il prenne assise sur la pente raide qui conduit vers la mort, est empreint de vie, peuplé de voix, de musique et de lumière : les mots de Colette, de Nietzsche, de Jung, de Kafka, de Kundera, et des autres, sur fond de musique classique diffusée en boucle sur Stingray Musique. Le tout, entrecoupé des visites du vagabond qui vient au gré du vent, et des ballades en solitaire dans la rue Sainte-Bernadette, le refuge dans lequel la présence de l’être aimé se fait encore sentir.
Pour les non-habitués du genre – dont je suis – Ça va aller se présente parfois comme un livre quelque peu éparpillé, bourdonnant de références littéraires, musicales, et scientifiques qui peuvent apparaître quelques fois « plaquées » là dans le texte. Néanmoins, on commettrait une erreur d’oublier le choix fait par l’écrivaine de présenter un « carnet d’écrivain » plutôt qu’un roman, ce qui permet de voir dans les nombreuses interruptions et références plus que de simples choix esthétiques, mais les jalons d’un univers ô combien riche et personnel.