JULIETTE LEMIEUX 

Jusqu’au 21 septembre, le Musée d’art de Rouyn-Noranda (MA) présente une rétrospective célébrant la carrière bien remplie de l’artiste Yves Boucher. Dans un souci de souligner chaque temps fort de son évolution artistique, l’exposition propose un parcours réparti en quatre sections, de 1990 à aujourd’hui, permettant un regard privilégié sur les différentes phases de son travail. La Mathématique du Beau, titre de l’exposition, présente une sensibilité technique et une analyse rigoureuse de ce qui nous attire, en tant que voyeurs, dans la nature qui nous entoure. 

CONCEPTION 

C’est à l’université que les parcours d’Yves Boucher et de Jean-Jacques Lachapelle, directeur du musée et commissaire de l’exposition, se sont initialement croisés. Tous deux originaires du Témiscamingue, ils poursuivaient leur baccalauréat à l’UQAM. Yves Boucher m’explique que c’est, entre autres, la complémentarité de leurs parcours qui a permis à cette exposition de voir le jour aussi facilement. Pour organiser une rétrospective, il ne suffit pas de choisir des œuvres et de les exposer, il faut aussi concevoir le fil narratif qui restitue, avec justesse et sensibilité, le parcours entier d’un artiste. C’est donc en jumelant la logique du commissaire à la vision de l’artiste que le tandem Lachapelle et Boucher a été capable de délimiter les quatre grandes périodes de sa carrière. 

Photographe : Karyne Brassard

PRÉMISSE INFERNALE 

La section des œuvres plus anciennes situe le début de la carrière d’Yves Boucher à l’époque de son baccalauréat. En pleine expérimentation, il se découvre dans les techniques d’impression, démontrant déjà un grand savoir-faire dans la composition de ses œuvres. De plus, comme dans l’œuvre Sous les marais du Styx, il superpose les motifs grâce à une succession de passages sous presse de plusieurs matrices, ce qui permet un rendu extrêmement complexe. L’artiste est alors inspiré par les films d’animation et les poèmes de Dante Alighieri (1265/67-1321), plus précisément La Divine Comédie, qui l’enflamme par sa complexité poétique et organisationnelle.  

LA BEAUTÉ, DES CIEUX JUSQU’À L’INFINIMENT PETIT 

De 1995 à 2010, l’artiste se penche sur les théories mathématiques du Beau. Dans Fronde/Osmonde, par exemple, il applique le nombre d’or dans la spirale de la partie gauche du tableau. Ces théories scientifiques lui permettent de comprendre (et même de nous présenter ensuite) le pouvoir séducteur de la nature qu’il applique à ses propres recherches visuelles. Cette phase de sa carrière se définit aussi par la position plus centrale que prend la matrice. Il embrasse alors la finesse et la sensibilité que propose son travail gravé, et le présente tel quel.  

GRANDIOSE ET TOUT PRÈS 

C’est dans la troisième section de l’exposition que sont présentées les fameuses œuvres intégrées à l’architecture, des travaux qui ont mobilisé toute l’attention d’Yves Boucher pendant près de 20 ans avec une trentaine de réalisations. Ces œuvres, parfois immenses, sont le fruit de la participation de l’artiste à des concours pour produire un « 1 % », une œuvre comprise dans le budget de construction d’un bâtiment. Au MA, elles y sont représentées par la collection de maquettes soigneusement sélectionnées et disposées au mur comme une sorte de grande mosaïque. 

ET PUIS… ÉDEN? 

La dernière phase, représentée par les énormes matrices circulaires sur le mur gauche de la salle, nous invite à imaginer le futur. Yves Boucher me confie alors que la conception de cette rétrospective semble lui avoir redonné la flamme du travail d’artisan en atelier. Délaissant finalement les projets d’intégration, il visualise le prochain angle de sa carrière comme un retour aux sources où il ira se replonger dans les techniques méticuleuses et l’univers de Dante, dans un angle inédit, celui du Paradis.  


Auteur/trice