GABRIELLE DEMERS 

Nos mères meurent (et nous n’y pouvons rien) est un grand texte de l’artiste rouynorandienne Isabelle Rivest; un texte important, sensible, profondément humain et lumineux. D’abord présenté dans le cadre du festival Jamais Lu (2023), il a été l’objet d’une résidence artistique à l’Écart (2024) pour finalement voir le jour, remanié, sous forme d’un récit publié aux éditions du Quartz (2025). Cet été, il a sillonné les routes provinciales (Tadoussac) et régionales (Rouyn-Noranda, Ville-Marie, Latulipe, Guyenne, Arntfield, Ile Nepawa) pour des représentations théâtrales. Le public est ressorti des représentations le cœur gros et léger à la fois, pour avoir touché, le temps d’une soirée, à ce qui est insaisissable dans l’humanité.  

LA PERTE DES REPÈRES 

Ce texte propose un poignant dialogue entre une jeune femme et sa mère, laquelle est plongée dans un mutisme nouveau, héritage d’une démence inattendue. C’est en écrivant « à » et « avec » sa mère qu’Isabelle Rivest espère remplir les interstices laissés par le départ cognitif de l’une des personnes qu’elle aime le plus au monde.  

Maman, nous sommes en train d’écrire un livre. Dans ce processus, je serai vivante et toi tu seras morte. Est-ce que c’est correct? Je pense que c’est correct. Nous n’allons pas nous excuser. C’est un collage audacieux, une ultime démarche pour te sentir près de moi.  

– Isabelle Rivest et Francine Turbide 

UNE ÉQUIPE DE CRÉATION EN PARTIE LOCALE 

Le Théâtre du Tandem (Rouyn-Noranda), en partenariat avec le Théâtre des Béloufilles (Tadoussac), propose une mise en scène qui met en lumière une comédienne établie en Abitibi-Témiscamingue depuis peu, Janie Lapierre, qui a déjà fait ses marques avec son jeu juste. Celle-ci souhaite que le public reparte avec un désir collectif de prendre soin de ses deuils, de ne rien enfouir, afin que puisse émerger une célébration du passage de ces êtres chers dans nos vies. Elle est convaincue qu’il peut y avoir beaucoup de lumière dans la mort. C’est ce qu’elle retrouve dans le texte bouleversant d’Isabelle Rivest : la perte d’une femme flamboyante, une mère, dont les écrits permettent à sa fille de cohabiter avec le deuil. Pour elle, ce spectacle est une ode à l’espérance.  

Photographe : Chloé Gagné

UNE TOURNÉE NÉCESSAIRE 

L’an dernier, avec la pièce Michelin, et cette année, avec Nos mères meurent, le Théâtre du Tandem propulse ses tournées dans des villes moins habituées à recevoir les troupes. Ce sont des rencontres nécessaires, porteuses et audacieuses qui permettent aux artistes d’entrer en dialogue significatif avec le public.  

Alexandre Castonguay, directeur artistique du Tandem, explique que la question de la dégénérescence cognitive revient avec insistance dans les réflexions contemporaines, portée par le vieillissement de la population et les bouleversements que cela entraîne. La pièce Nos mères meurent se déroule dans un décor boréal, entre épinettes, bouleaux et bêtes piégées, comme sous le regard du trappeur. Le texte d’Isabelle Rivest offre un angle inédit sur une réflexion qui nous habite concernant la dégénérescence. C’est un regard dans lequel les Abitibiens se reconnaîtront, et qu’il faut faire entendre à travers toute la région. 


Auteur/trice

Après avoir enseigné le français, le théâtre et la littérature au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, Gabrielle Demers oeuvre dans le domaine de la pédagogie universitaire. Elle s’adonne aussi à la performance, aux installations artistiques et aux arts imprimés. Elle se questionne sur les enjeux actuels liés à la féminité dans l’espace public, entre autres.