LISE MILLETTE 

Carol Kruger est née en Ontario de parents ayant émigré de la Hollande. Elle habite au Témiscamingue depuis maintenant 50 ans et ses œuvres présentent sa région d’adoption sur des toiles, des murales ou encore des tuiles de céramique. 

Photographe : Vicky Bergeron

On doit notamment à cette artiste multidisciplinaire une série de murales au Témiscamingue, dont plusieurs ont été conçues en collaboration avec Ginette Jubinville ou encore Francine Marcotte. Ces grandes fresques hommages se trouvent à Notre-Dame-du-Nord (sur le mur de la friperie), à Laverlochère (dans une école), à Angliers, en legs pour le 100e anniversaire du village célébré en 2024 ainsi qu’à Laniel pour célébrer la rivière Kipawa. 

« J’aime travailler avec des gens. Ça m’inspire. Les collaborations qui permettent de lancer des idées et trouver parfois des solutions », dit celle qui apprécie tout autant le calme de son atelier, aménagé chez elle, à Béarn. 

DES GENS, DES TUILES ET DES HISTOIRES 

On devine dans les projets de Carol Kruger une profonde envie d’enracinement. Ses créations deviennent en quelque sorte une manière d’entrer en contact. 

« J’ai marié un Québécois de Béarn, mais quand je suis arrivée, je ne parlais pas du tout français. J’ai par contre ce sens de l’appartenance à la communauté et j’ai eu le goût de faire partie de cette communauté », affirme l’artiste. 

Carol Kruger, Hommage à la rivière Kipawa, murale à Laniel

Son projet De la terre, cinq villages sont parus témoigne de cette envie de se mettre en rapport avec les gens et le territoire. Pour ce corpus, l’artiste a réalisé, en tuiles d’argile, des ensembles qui révèlent des caractéristiques des cinq municipalités que sont Angliers, Fabre, Fugèreville, Laforce et Moffet. C’est en s’inspirant du vécu des gens qu’elle a pu assembler des tuiles aux personnalités bien différentes, mais évoquant le quotidien des personnes qui habitent ces lieux. 

Elle a créé un projet similaire à Béarn, alors que les gens étaient invités à participer au processus en gravant dans l’argile. Cette murale a ensuite été installée près de l’église et la municipalité a fait installer un banc devant l’œuvre en tuiles pour en faciliter l’observation. 

Carol Kruger, La Donzelle, sculpture de céramique

« C’est une fierté pour moi et ça fait aussi partie de ma démarche qui consistait à donner aux gens un sens d’appartenance, à leur permettre de laisser une marque et de pouvoir y revenir ou faire en sorte que d’autres puissent la voir un jour », mentionne l’artiste qui se plaît à expérimenter, à réunir les gens et à tisser des liens par l’art. 

Le travail de Carol Kruger a dépassé les frontières du Québec. La Commission culturelle du Témiscamingue a d’ailleurs souligné son talent en mentionnant sa participation à des expositions collectives et individuelles ailleurs au Canada et en France. 

Carol Kruger, murale communautaire apposée près de l’église à Béarn, tuiles de céramique 2004

RÉALISME INTIME 

Il y a dans le travail de Carol Kruger une recherche du quotidien et un réalisme marquant. Sa série La lumière chez nous a réuni en 15 tableaux des scènes de son intérieur, une démarche à la fois intimiste et personnelle. 

« Il faut que mes œuvres me touchent personnellement. Cette série de peintures, je l’ai réalisée à partir de photos prises dans ma maison avec beaucoup de jeux de lumières et d’ombrages. Ce sont des éléments du quotidien, des meubles, des escaliers, des pièces de la maison… J’ai commencé avec ça parce que c’était très intime de montrer mon intérieur, là où j’habite », explique-t-elle, comme s’il s’agissait de faire sa propre présentation pour un territoire d’adoption, de marquer aussi son désir d’appartenance en se révélant d’une certaine manière. 

Carol Kruger, Bienvenue à Moffet, oeuvre réalisée en tuiles de céramique 2012

Carol Kruger planche en ce moment sur une nouvelle série de toiles, qui la plonge non pas en elle-même, mais vers son passé. À la retraite, elle dispose de tout son temps, sans obligations de livrer. « Cette fois, ce sera à partir de photos prises par mes parents dans les années 1950, 1960 et 1970. Ça vient me chercher parce que c’est mon passé, mes racines et ça vient aussi avec une recherche intérieure. Je peux ainsi réfléchir à mon passé et mes racines. J’ai la chance d’être retraitée. Je fais ça à mon aise, sans pression, sans deadline », exprime-t-elle. 

Carol Kruger, Fabre et ses gens, tuiles de céramique

Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.