Martin Baron, vice-président DE LA Société d’histoire de Rouyn-Noranda

C’est Mgr Louis Rhéaume, alors évêque du diocèse d’Haileybury, qui propose de créer un collège à Rouyn pour les jeunes catholiques qui habitent l’ouest de la région et le Nord-Est ontarien. Il s’agit d’un rêve qu’il caresse depuis les premières années de son épiscopat. Dès 1942, des rumeurs courent dans le journal La Frontière à propos de l’ouverture imminente d’un collège à Rouyn. Malgré maintes sollicitations auprès de communautés religieuses qui se consacrent à l’enseignement supérieur, notamment les Jésuites, Mgr Rhéaume ne reçoit toutefois que des fins de non-recevoir. Reconnu pour son énergie, l’évêque est persuadé que « si le collège de Rouyn est voulu de Dieu […] il nous donnera les moyens de l’exécuter[1] ». Inspiré, Mgr Rhéaume ne se laisse pas décourager par les refus – son biographe, le père Gaston Carrière, utilise le terme « humiliations » – et il relance le recteur de l’Université d’Ottawa, un confrère oblat. Au printemps 1948, Mgr Rhéaume reçoit la confirmation que deux professeurs oblats pourront enseigner au futur collège de Rouyn à l’automne suivant.

À l’été 1948, le père Marcel Duguay et un confrère arrivent à Rouyn avec en tête l’idée de se préparer pour enseigner au collège. À leur descente du train, une surprise les attend : le chauffeur de taxi les informe qu’il n’existe pas de collège à Rouyn. Ils se retrouvent ainsi avec le mandat de dénicher un bâtiment pour y dispenser l’enseignement, de recruter des élèves et d’élaborer un système d’inscription. Comble de malheur, le bâtiment acheté, l’ancienne école Saint-Louis-de-Gonzague, reste bloqué sur la rue Perreault pendant plusieurs jours au moment de son déménagement vers un nouveau site. Bon joueur, le père Duguay considère que l’incident est une occasion rêvée d’annoncer l’ouverture, dès septembre 1948, du collège de Rouyn dans les journaux locaux.

UN AGRANDISSEMENT HASARDEUX

Rapidement, ce premier bâtiment s’avère trop petit, et la construction d’un édifice plus grand s’impose. Après quelques démarches, on procède à la première pelletée de terre lors d’une cérémonie officielle, tenue le 2 septembre 1950, en compagnie du premier ministre du Québec, Maurice Duplessis. Il s’agit, semble-t-il, d’une des plus belles journées dans la vie de Mgr Rhéaume. Les travaux du nouveau collège commencent dans l’enthousiasme. Des entrepreneurs proposent même au père Duguay de payer la main-d’œuvre, alors que les coûts des matériaux doivent être assumés par les oblats, aidés, pense-t-on, par le gouvernement du Québec. Mais le père Duguay doit multiplier les voyages à Québec, s’installer pendant des jours à proximité de la secrétaire de Duplessis pour obtenir une audience auprès du premier ministre. Reconnaissant le zèle du directeur du collège, Duplessis le rencontre finalement et accorde les crédits demandés. Les entrepreneurs sont enfin payés et les travaux sont éventuellement exécutés. Le bâtiment est inauguré en 1955 en présence du premier ministre. L’édifice, aujourd’hui connu comme le pavillon Rhéaume, est au cœur du campus de Rouyn-Noranda du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue.


[1] Carrière, Gaston, L’Arpenteur du bon Dieu : Monseigneur Louis Rhéaume, O.M.I., 1873-1955, évêque de Timmins, Montréal, Rayonnement, 1960, 220 pages.


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