PHILIPPE MARQUIS
Communiquer, même si cela semble devenir de moins en moins possible, est une action hors de l’ordinaire lorsqu’on y réfléchit un peu. Cela devient évident quand on se donne la peine de s’y arrêter, même si prendre une pause apparaît aussi de plus en plus difficile. L’échange avec autrui nous révèle et nous inspire. Je nous invite donc à nous placer dans les meilleures dispositions pour recevoir les messages qui nous sont adressés.
Il ne s’agit pas de porter attention uniquement au sens des mots, mais aussi, et surtout, à ce qui les porte. Comment sont-ils prononcés? À quelle vitesse? Dans quelle posture? À quel rythme? Avec quels accents et quelles hésitations? Dans quel timbre? Nous avons peu conscience, il me semble, de ce qui permet à une phase de se rendre à nos sens.
Je pense ici au vacarme des silences lorsque les yeux, la respiration, l’être entier crient une vérité. Aux éclats révoltés, quand l’évidence est ignorée. Ces répits, soupirs ou bégaiements, pour exprimer des blessures qui tardent à guérir. Ou encore celles, muettes, qui ne guériront peut-être jamais.
Il y a également des yeux qui plissent, un léger rictus, puis une pause pour soutenir des mots d’esprit avant de raconter la chute d’une blague délirante. Toutes ces histoires souriantes pour adoucir les tensions ou apaiser les âmes meurtries. Il peut être si bon de rire lorsque le temps refroidit…
Nos phrases apparaissent alors fabuleuses en s’agençant de moult façons pour exprimer, transmettre, informer ou enseigner. Entendons les locutions exprimées dans tous les jargons. Celles chuchotées et tremblotantes pour déclarer un premier amour, rieuses et dansantes lorsque le temps passe à la fête, ou fortes et décidées quand vient l’indispensable révolte. Ces images évoquées dans des teintes, aussi nombreuses que celles de l’automne. Parfois douces comme le matin qui s’éveille, ou déferlantes comme un ouragan colérique qui s’abat sans égard aux dégâts.
Tentons de plonger dans ces flots de paroles d’une rivière humaine, si rarement accueillie avec ce silence nécessaire. L’apaisement qui leur permettra d’atteindre spontanément nos rivages instinctifs, libres de barrages.
C’est cette palette vivante, sensible, qui, une fois déposée dans l’inconscient, viendra nourrir les poèmes, chansons, contes ou romans. C’est ce terreau tout au-dessus duquel s’écrira la suite sur la neige.
Puisse maintenant venir la prochaine saison.