LISE MILLETTE

En effectuant des recherches sur le mois d’octobre et sur le temps, j’ai été happée par cette citation « Le monde fut créé le 22 octobre 4004 avant Jésus-Christ, à 6 heures de l’après-midi » de James Ussher, archevêque anglican, mort en 1656, qui avait entrepris de déterminer la date précise de l’origine du monde d’après des événements réels cités dans les différents textes bibliques.

Nombre d’essais et d’analyse ont été consacrés à sa démarche de repérage pour constituer une ligne du temps, dans le monde réel, afin de situer les événements les uns par rapport aux autres. Certains éléments, comme la mort d’Hérode par exemple, ou encore la date de fin des derniers rois de Judée, correspondent à des moments qui peuvent être datés ailleurs que dans la Bible.

Les travaux de James Ussher ont été utilisés pour définir l’âge de la Terre, jusqu’à ce que d’autres théoriciens, tantôt philosophes, tantôt mathématiciens, tantôt scientifiques, choisissent plutôt de fonder leurs analyses sur des variables telles que la modification des reliefs, l’évolution des espèces, les épisodes de glaciation, l’astronomie ou encore la salinité des océans ou la dérive des continents.

Après James Ussher, un scientifique qui s’appuyait sur des éléments géologiques a plutôt estimé, en 1721, l’âge terrestre à 35 000 ans. Puis, en 1859, Charles Darwin a devancé l’estimation de quelque 300 millions d’années avant de la réviser à 40 millions d’années sous le poids des critiques. Ensuite, en 1904, le physicien Ernest Rutherford, s’appuyant sur la radioactivité, a plutôt établi l’origine du globe à 140 millions d’années. Au Muséum national d’Histoire naturelle de France, grâce à la datation par l’uranium-plomb, on a établi l’âge de la Terre à 4,55 milliards d’années.

Ainsi, plus on avance dans le temps, plus se raffinent les méthodes d’analyse, plus la Terre gagne en âge.

Je me perdais en conjectures dans ces théories sur le temps et sur les calculs qui devaient permettre de préciser, avec la certitude de chaque époque, le début des origines. Je trouvais la question à la fois captivante et étourdissante. Tant de formules ont servi à tenter de préciser le début et ainsi de jeter, une fois pour toutes, la base, sur laquelle se sont ensuite développées plusieurs civilisations, sociétés, cultures et systèmes qui depuis font dériver le sens du monde.

La beauté d’étudier une question réside dans le fait que le sujet devient alors imperméable à tout le reste. Le sujet de l’étude échappe à toute corruption, à tout dérapage. Il reste « pur », en un sens, et demeure un objet d’étude fixe. Peut-être est-ce la raison pour laquelle plusieurs philosophes ont cherché à comprendre l’humain dans sa complexité? Lorsqu’on se concentre sur la connaissance du bien, sur les valeurs morales ou sur la véritable nature de l’être humain, on ne regarde pas ses travers ou ses dérives.

Je reviens au temps… tout relatif qu’il soit. Le temps qui se fait voleur lorsque la vie s’arrête. Là encore, pas de véritable calcul possible. Le temps s’arrête, vient à manquer, parfois trop tôt ou trop tard. L’emprise sur le temps est aussi vaine que la tentative de contenir de l’eau dans la paume de sa main. Le temps fuit et nous échappe.

Einstein affirmait que le temps s’écoule plus lentement pour un système en mouvement. La théorie mérite qu’on s’y arrête. À celles et ceux qui me disent que mon agenda est trop chargé ou que mes semaines sont trop remplies, je réponds que, au moins, j’ai le sentiment d’être en mouvement et ainsi de sortir un peu de l’inertie qui me happe parfois par un trop-plein de pensées, de souvenirs ou d’idées qui parfois me chagrinent.

Est-ce une fuite en avant? Sans doute. Toutefois, en avant, c’est demain, c’est plus tard et, ainsi, je déjoue le temps parce qu’il y aura encore devant. Cela dit, bien sûr, je m’arrête aussi. L’écriture a cela de bien : pour écrire, il faut s’arrêter et prendre son temps. On peut aussi fuir par l’écriture, ce qui maximise alors trois concepts, le temps d’arrêt, la fuite en avant et l’apaisement de l’esprit.

Je crois bien que je vais continuer d’écrire. Peut-être bien même plus souvent.


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.