Comme des rats est le premier opus littéraire de Géraldine Grotowski, dite Grotov, une artiste graphique qui est née en Abitibi-Témiscamingue, mais qui habite Québec depuis la fin des années 1980.

Pour cette première publication, le choix de Moelle Graphik comme maison d’édition s’avère des plus judicieux. En effet, l’organisme à but non lucratif, spécialisé dans la bande dessinée (BD), explore les formes narratives et d’expression diversifiées, souvent marginales, ou jusqu’ici méconnues, du neuvième art. Moelle Graphik fait aussi connaître le travail d’artistes pionniers, émergents ou même parfois oubliés. La qualité des matériaux, des écrits et du visuel pousse la bande dessinée au rang d’œuvre d’art. Chaque détail est réfléchi, est pensé et a sa raison d’être.

Dans le cas de Comme des rats, on parle de bande dessinée, mais on ne patauge pas très loin des caractéristiques du roman illustré (graphic novel). L’album compte près de 70 pages, le sujet est sérieux, la psychologie du personnage principal est complexe, un lectorat adulte est ciblé. On sort du divertissement pur et dur. On plonge dans un univers de détresse humaine, de misère, de délinquance et de violence.

L’histoire raconte la dureté dans laquelle vit le personnage principal. L’adolescente malheureuse vit avec un père autoritaire pour qui les enfants ne sont que des numéros. Elle, elle est le numéro 4 de la fratrie, et c’est tout ce qu’elle représente pour le paternel qui l’appelle ainsi. Les frasques de l’adolescente enragent le géniteur qui craint non pas pour elle, mais plutôt pour sa propre réputation. Quittant le domicile familial, No 4 devient victime de cette vie misérable qu’est celle d’une SDF (personne sans domicile fixe). Elle erre dans les méandres de la ville, squatte une roulotte et un immeuble désaffecté, mange à la soupe populaire, traîne avec la racaille, consomme des drogues, est victime d’agression et de sollicitation sexuelles, en plus d’être complice de violence. Elle ressent la honte, le jugement, la détresse, le désespoir… S’agit-il d’un récit autobiographique? Ça en a tout l’air!

Le discours est familier, populaire, cru et vulgaire, aussi dur que l’univers de la rue. Les dessins simplistes sont évocateurs et représentatifs de la grande noirceur qui habite et entoure le personnage principal. L’action se déroule dans la ville de Québec des années 1990. On s’y reconnaît d’un point de vue géographique par des lieux bien définis comme les rues Richelieu et du Pont, le Vieux-Port et la Basse-Ville. Toutefois, la Québec qui y est illustrée n’a rien de son charme touristique et européen; c’est l’underground miteux que l’on visite. Les références culturelles de cette époque y sont nombreuses : les cigarettes vendues à l’unité, le MAD Magazine, la canne de Nesquik en métal, la gomme Bazooka, la cabine téléphonique de Bell, le ghetto blaster, ainsi que les films à l’affiche tels que Les nuits avec mon ennemi et Le Silence des Agneaux.

La BD a su capter l’attention du journal Le Devoir au point de faire partie de sa sélection du mois de décembre dernier. François Lemay, chroniqueur BD, en résume bien l’essentiel : « C’est une lecture dure, sans fioriture, au dessin froid et inquiétant et qui ne laisse place à aucune trace d’espoir. Pour le moment du moins. »


Auteur/trice

Originaire du Témiscamingue, Dominique Roy est enseignante au secondaire depuis 1999. Elle complète actuellement une maîtrise en éducation spécialisée en formation à distance. Sa grande passion : la langue française. Ses passe-temps préférés : lire et écrire. D’ailleurs, elle rédige des articles à la pige pour quelques journaux et magazines depuis plusieurs années en plus de conceptualiser, rédiger et réviser des ressources pédagogiques. Son premier article pour L’Indice bohémien, elle l’a écrit en octobre 2011, et cette collaboration perdure depuis tout ce temps.