« N’est-elle pas une fille téméraire et obstinée? Têtue, même! Oui, elle l’est! Fille de fermier pionnier et fière de l’être! Elle a de grands yeux qui n’ont pas peur, un petit nez retroussé plein de hardiesse, des éclats de rire au bord des lèvres entrouvertes par un sourire mutin. Elle est petite, presque frêle, mais vive et bien faite. […] Sur un long cou fin, la tête toujours relevée, comme en signe de défi. »
Cet extrait, tiré du livre Michel Pageau trappeur : J’ai entendu pleurer la forêt (éd. Du Seuil), décrit Louise Beaulieu au moment où elle rencontre Michel Pageau, au début des années 1960. C’est cette jeune femme à l’attitude assurée que l’on peut voir sur la photographie à droite dans la maison familiale de Val-d’Or, accompagnée d’une peluche annonçant cette vie consacrée à la sauvegarde des animaux sauvages.
Téméraire, obstinée et têtue, elle l’a d’abord été lorsqu’il a été question de séduire ce Michel Pageau, personnage à la réputation déjà plus grande que nature. En effet, peu bavard, solitaire et complètement épris de la belle grande nature abitibienne, ce jeune loup n’a pas été facile à apprivoiser. Telle une trappeuse patiente et discrète, Louise a su gagner la confiance et l’affection de celui qui deviendra son complice et compagnon de vie pendant plus de cinquante ans.
Hardie est sans contredit le terme qui pourrait qualifier la jeune épouse au moment de s’installer dans la première demeure du couple : une petite caravane sans confort située derrière la maison de ses beaux-parents. Trop chaude en été et beaucoup trop froide en hiver, y vivre avec bébé Nathalie, né le 8 décembre 1965, représentait un défi qui n’était certainement pas donné à toutes de relever. La deuxième fille de la famille, Anne-Marie, naîtra dans la mythique « petite maison rose » que Louise et Michel réussiront à acheter deux ans plus tard dans le Rang 1, près d’Amos, et autour de laquelle se développera de manière organique le Refuge Pageau. Il est évident que la hardiesse démontrée par Louise a été un facteur essentiel à la réussite et au rayonnement du Refuge, cette grande et inclusive famille.
Son instinct de pionnière, Louise le tient de ses parents, plus précisément de son père qui, en 1938, décide de quitter le quartier Saint-Malo à Québec pour rejoindre la Colonie Boulé, dans la lointaine Abitibi, afin de cultiver la terre. C’est dans la réalité de la colonisation, laborieuse et contraignante, que Louise a vécu son enfance. Capacité d’adaptation, connaissance du dur labeur, force de la famille, mais aussi et surtout, propension à rêver une vie différente et significative influenceront sans aucun doute le choix de Louise lorsque viendra le temps de s’investir dans ce grand projet de vie que représentera pour elle le Refuge Pageau.
Vive, d’esprit et de corps, Louise est reconnue pour avoir été la gestionnaire, l’archiviste et le liant social du Refuge Pageau. De son écriture précise, elle tenait livres et statistiques, et de son énergie constante, elle rassemblait et transmettait. Elle a chaleureusement reçu un très grand nombre d’élèves de la région au Refuge. Au fil des ans, elle a aussi transmis à ses enfants et petits-enfants son amour des petits mammifères, qu’elle gardait souvent dans sa propre maison comme des « membres de la famille ».
Cette vivacité, ce sens de la minutie et de la communauté se déploieront également à travers son important engagement dans le Cercle des Fermières qu’elle a fréquenté pendant de nombreuses années. Reconnue comme boute-en-train du groupe et joueuse de tours, Louise affectionne particulièrement la broderie et la couture. Ainsi, elle aura non seulement habillé enfants et petits-enfants tout au long de sa vie, mais également participé au développement d’un savoir-faire et d’une communauté représentatifs de sa région.
Générer, rassembler, soigner et créer sont des actions qui, du début jusqu’à la fin, ont eu une place centrale dans la vie de Louise Pageau.
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À travers ce court récit, L’Indice bohémien souhaitait mettre en valeur une histoire singulière et trop peu connue, celle de Louise Pageau, personnage important de notre région, qui a humblement participé à la préservation de la nature sauvage, mais également au développement d’un pan de la culture et de la communauté abitibiennes. Et pour tout cela, nous lui en sommes fort reconnaissants.
Louise Pageau a pu partir la tête haute, fière d’avoir embrassé les beaux, grands et nombreux défis de sa vie.
Nous remercions Anne-Marie Pageau qui a généreusement accepté de nous raconter une partie de son histoire familiale, et de nous fournir ces témoins photographiques uniques.
Nous offrons nos sincères condoléances à la famille Pageau.