« Jamais Dieu ne fit à aucun peuple un aussi beau présent d’argile. » – Mgr Félix-Antoine Savard, L’abatis (1943)

Je n’ai jamais admiré l’entreprise de colonisation qui a mené tant de familles à s’installer au Témiscamingue ou en Abitibi. Les récits que je retiens de cette époque riment avec courage, bien sûr, mais aussi trop souvent avec grande misère et amertume. Cette dernière se pointe lorsque l’on jase d’occupation du territoire, c’est-à-dire au moment où il est de moins en moins occupé…

L’amertume vient en dernier, après s’être s’installé doucement, inexorablement, depuis au moins quarante ans. Elle a l’aspect de toutes ces terres défrichées laissées à l’abandon. Tous ces champs autrefois couverts de foin, de trèfle, d’orge, de blé ou d’avoine maintenant envahis par les saules, les aulnes et les peupliers. Tous ces villages presque inoccupés.

Toutes ces fières paroisses délaissées par les détaillants pétroliers, les bannières de dépanneur, les commissions scolaires, le mouvement Desjardins et, en bout de rang, par bien des fidèles. Pourtant, un peu partout, jour après jour, des miracles de dévouement font reculer ce qui paraît inévitable. Les petites victoires sont nombreuses quoique peu couvertes par des médias installés dans les grands centres.

Que devient à présent le trésor dont Savard parlait en 1943? Le potentiel du territoire de notre région, que ce soit pour la culture ou l’élevage, demeure réel. L’héritage des braves familles de colons qui se sont saignées pour ouvrir tous ces lots se trouve en dormance. Aujourd’hui, on parle d’une fabuleuse banque de terres agricoles, en grande majorité intouchée par l’agriculture industrielle. Elles ont donc un fort potentiel biologique à une époque où on se soucie de plus en plus de ce qu’il y a dans notre assiette. La valeur de ce territoire est si importante qu’on rapporte régulièrement des achats faits par des étrangers

En cette époque où l’on s’inquiète pour l’avenir de la planète. En ces temps où notre nourriture vient de partout et très peu d’ici. Avec tous ces aliments qu’on nous sert sans qu’on ait une idée de leur qualité ou mode de fabrication, il serait grand temps de nous nourrir chez nous! Parce que c’est possible! Et de plus en plus de personnes produisent de quoi s’alimenter ici.

Elles ont besoin de soutien, il faut d’abord acheter leur nourriture. Puis, idéalement, tous les établissements de santé et d’éducation de la région devraient s’approvisionner ici en aliments. Tout comme devraient le faire aussi les centres des congrès et toutes les entreprises. Ensuite, de l’aide devrait être apportée en subventions ou prêts pour aider à démarrer de nouvelles entreprises agricoles. Hydro-Québec a posé un geste dans ce sens en offrant des subventions permettant de chauffer les serres à moindre coût.

S’occuper de ce fantastique jardin pour nous nourrir aiderait à renforcir une région dépendante de l’exploitation des ressources dites naturelles. Et quoi de plus naturel que manger?


Auteur/trice