L’Abitibi-Témiscamingue est bien connue comme faisant partie du territoire ancestral de la Première Nation anicinabe. Depuis des millénaires jusqu’à aujourd’hui, la région a cependant été occupée par plusieurs autres nations autochtones, dont la Nation crie et la Nation atikamekw. L’ébullition de cette dernière dans le domaine de l’éducation mérite toute notre attention, d’autant plus que l’École d’études autochtones de l’UQAT participe à ce foisonnement.
DÉCOLONISER
« Nos enfants, si on renforce leur identité, ils vont aller mieux. Ils vont être plus forts et mieux armés pour vivre dans la société québécoise. » La sagesse de Lisette Petiquay repose sur plus de 30 ans à occuper presque chaque fonction dans le domaine de l’éducation au sein de la Nation attikamek. « Ça fait des décennies que le système québécois qu’on nous impose ne marche pas. On a trop peu de finissants. On veut plus de diplômés », constate celle qui est désormais directrice des services éducatifs, linguistiques et culturels au Conseil de la Nation atikamekw.
Pour renverser cette tendance, son équipe mise avant tout sur la langue. Bonne nouvelle : la Nation compte en ses rangs plusieurs professeurs parlant couramment l’atikamekw et qui l’enseignent. Des gens prêts à tout pour que leurs élèves « le parlent et l’écrivent ».
LA PREUVE VIVANTE
Janis Ottawa est du nombre. Depuis 2009, elle enseigne uniquement dans sa langue aux élèves de deuxième année de l’école primaire à Manawan.
Si la majorité de ses élèves parlent la langue depuis leurs tout premiers mots, il arrive que d’autres accusent un certain retard à la rentrée. Pas de compromis : « On parle juste atikamekw dans ma classe », tranche Mme Janis. Elle ajoute : « C’est mignon de le dire comme ça, mais tous les petits Atikamekw, quand on les accueille dans leur langue, on le voit tout de suite qu’ils se sentent à leur place ». Pour elle, la réussite scolaire passe d’abord par l’apprentissage de la langue et la valorisation de la culture atikamekw.
ÉTUDES SUPÉRIEURES HARMONIEUSES
Par-delà le nitaskinan – le territoire des Atikamekw, parmi toutes leurs options, les étudiants peuvent poursuivre leurs études collégiales au Cégep Kiuna, affilié au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue. Basé à Odakak, Kiuna est le seul collège spécialisé dans l’éducation des membres des onze nations autochtones de la province en misant sur la valorisation de leurs savoirs.
C’est vers l’École d’études autochtones de l’UQAT que plusieurs se tournent ensuite pour le dernier volet de leurs parcours, l’établissement de chez nous se démarquant par ses nombreux cheminements reflétant leurs intérêts et aspirations. Le corps professoral compte notamment sur la présence de Suzy Basile, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux relatifs aux femmes autochtones, et elle-même Atikamekw.
Par les projets de recherche qu’il mène avec les Atikamekw, son collègue, le professeur Benoit Éthier, peut témoigner de l’effervescence qui anime le milieu de l’éducation de la Nation. Lui-même élabore ses cours de manière à « lier la théorie à la pratique en prenant des exemples qui sont proches des réalités des membres des communautés ».
RETOUR AU TERRITOIRE
Au retour du confinement, Janis Ottawa a retrouvé des élèves « impatients et moins ouverts aux critiques constructives ». Elle constate que ceux qui n’ont pas eu la chance d’aller sur le territoire en famille ont été surexposés à l’anglais, captifs et vulnérables devant le pouvoir d’attraction d’internet et des réseaux sociaux.
La solution qui s’impose à son esprit repose sur l’accès au territoire. « Si je pouvais les emmener dans le bois plusieurs semaines de suite, je le ferais. » Mais les restrictions face au virus étant ce qu’elles sont, l’enseignante se désole de ne presque plus pouvoir transmettre ces valeurs dans le meilleur environnement qui soit. Mais comme elle le résume si bien : « Ça va revenir. »
D’ici là, le carré de tente érigé dans la cour d’école primaire de Manawan accomplit son œuvre en soufflant sur les braises ardentes de la langue, de la culture et des traditions de la Nation attikamek tout entière. Au bénéfice de tous.