Joséane Toulouse est écrivaine et coach d’écriture à Rouyn-Noranda. Elle nous présente aujourd’hui un texte original inspiré d’une image, dans lequel la force de l’amour surpasse celle du virus. 


Il était une fois une communauté mondiale-de-la-Terre-globale-entière qui se retrouva confinée. Un virus. Un infinitésimal virus courait les rues, paré au décapage des poumons de quiconque oserait traverser son chemin.
 
La quarantaine avait mené à la fermeture des frontières routières et aériennes, tout comme elle avait fermé quelques autoroutes dans l’esprit territorial des gens. Les plus peureux se recouvraient de Purell à longueur de journée, prêts à en avaler le contenu après avoir mangé un fruit défendu issu de l’épicerie contaminée.
 
Les plus audacieux et autres rebelles, quant à eux, osaient se promener à l’extérieur et risquaient même l’impensable : aller s’acheter un paquet de gomme au dépanneur maudit. Cela provoquait des scandales inimaginables! Les réseaux sociaux, seul espace collectif aseptisé en ce temps de crise, n’en dérougissaient plus. La fièvre montait, montait.
 
Tandis que les uns appelaient au 911 pour accuser leur voisin d’outrageuse sortie illicite sur un balcon, les autres sa calaient dans leur divan devant une trop bonne télésérie : Contagion. Oui, cette fois-là, ça tournait carré dans l’univers humain.
 
Oooooh misère ! Il était une fois une planète affligée par une microparticule qui semblait avoir tous les pouvoirs sur l’éducation, l’économie, les soins de santé, la culture et les interactions sociales, mais s’il y a bien une chose sur laquelle elle n’avait pas de prise, c’était sur l’ a m o u r ! Aaaaaah, l’AMOUR !
 
C’est ainsi qu’au terme d’on ne sait combien de jours — l’histoire ne le dit pas — les amoureux transis, jadis incapables de se déclarer, découvrirent au fond d’eux l’urgence de se dévoiler. Si tout s’écroulait autour d’eux, ils se sentaient désormais capables d’assumer la destruction massive de leur ego devant un oui ou un non. Plus rien ne tenait debout sous la force du virus de toute façon !
 
Les amoureux transis sortirent donc dans la rue et repérèrent leur bien-aimé recouvert de Purell, un paquet de gomme en mains. Ils s’élancèrent vers cet être adoré-désiré et plaquèrent leur masque contre le sien. Parce qu’un baiser, même protégé, c’est tellement mieux qu’un silence emporté dans la tragédie d’un avenir incertain !
 
Sur fond d’apocalypse rose, les amoureux courageux se promirent de ne plus s’ennuyer de leurs mains respectives. Et de toujours, plus que jamais, se dire la vérité du cœur par-delà leurs masques.