Sœur Renelle est tout un personnage. Il faut la voir grandeur nature!

Le 15 décembre dernier, dans la communauté de Lac-Simon, avait lieu une grande fête d’au revoir. Les membres de la communauté ont uni leurs efforts pour exprimer leur reconnaissance à celle qui a passé une décennie parmi eux : Renelle Lasalle, sœur des Saints Cœurs de Jésus et de Marie. « Ce fut une fête extraordinaire, on m’a exprimé de l’amour plus que je pouvais en recevoir, les gens m’ont manifesté leur reconnaissance; j’ai failli mourir d’amour! » racontait la religieuse déjà septuagénaire, lors d’un entretien téléphonique des plus rafraîchissants. Sœur Renelle, c’est tout un personnage.

Après plus de 25 ans passés comme enseignante au secondaire et animatrice de pastorale auprès de cégépiennes de Joliette et des jeunes du Patro de Montréal, sœur Renelle arrive en Abitibi en 1995 pour travailler dans le diocèse d’Amos en tant que responsable de pastorale jeunesse. Le défi est énorme, le contexte pastoral et spirituel est plutôt désertique. Dès 2005, lors d’une retraite annuelle à Loretteville (tout près de Wendake), elle ressent l’appel de s’engager auprès des Autochtones. « En lisant par hasard un article de journal sur le désespoir des jeunes de la réserve Opitciwan (Obedjowan), j’ai été émue jusqu’au fond de mes entrailles et j’ai compris que ma place était auprès d’eux, relate sœur Renelle. Et en novembre 2006, une émission de télé [de] Radio-Canada, Kitcisakik, le dénuement, me fit connaître les conditions de vie “tiers-mondistes” des gens de Kitcisakik, village situé à seulement à 175 km d’Amos. Par la suite, une série d’événements providentiels ont fait grandir en moi cet appel. » Après un premier séjour au Grand Lac Victoria en 2007, avec un groupe de jeunes de Montréal, du mouvement écologique Salut! Terre, elle revient en 2010 pour remplacer le père Lionel Lajeunesse, oblat de Marie Immaculée (o.m.i.), décédé en 2009.

UNE SŒUR CHEZ LES ANICINABEK

J’ai demandé à sœur Renelle si cela avait encore du sens à notre époque d’être une religieuse. Sa réponse est sans équivoque. Elle s’exclame avec enthousiasme : « Plus que jamais! Mon vœu de chasteté me donne une grande disponibilité d’engagement. Et par rapport à la libération sexuelle, je vois plus de gens écœurés qu’épanouis. La chasteté ouvre à une autre manière d’aimer. Le vœu de pauvreté donne une grande liberté. Et l’obéissance, ça aide à trouver avec d’autres l’harmonie intérieure. Obéir à Dieu, c’est répondre à la mission qui nous habite profondément », croit-elle. Celle qui fêtera ses 50 ans de vie religieuse cette année affirme avec fougue qu’être religieuse aujourd’hui c’est être un message, plutôt que de prêcher, un message d’espérance dont les gens de notre époque ont désespérément soif.

 

Monique Papatie, vice-présidente du comité pastoral, affirme que la religieuse de Joliette s’est très bien intégrée à la communauté. « Les aînés l’ont acceptée bien vite, même si elle ne parle pas la langue. Si elle est absente lors d’un rassemblement, ils demandent : “Où est la sœur?” » Madame Papatie mentionne qu’elle a accueilli la religieuse comme sa propre sœur. « Même ma mère l’a accueillie comme sa propre fille. Sœur Renelle a accepté notre façon de faire et d’être. On l’a amenée dans la forêt, à la trappe. Elle a même lavé son linge sur une planche à laver. »

Sœur Renelle souligne que le travail dont elle est particulièrement fière est d’avoir contribué au rapprochement entre Allochtones et Autochtones. Régulièrement, des étudiants du secondaire et du cégep d’un peu partout font des séjours à Kitcisakik. Parmi ses réalisations, il y a aussi les enregistrements des cantiques en langue anicinabe.

« Par respect pour les gens et pour Jésus lui-même, cessons de parler d’évangélisation. C’est d’humanisation dont nous avons besoin. » D’emblée, la religieuse affirme que les algonquins l’ont humanisée la première, en lui donnant le droit d’être humaine, sans artifice. Ils l’ont aussi aidée à vivre le moment présent, même si elle avoue avoir toujours de la difficulté avec la notion du temps des Autochtones (le Indian time). Si j’ai bien compris ce que j’ai lu et entendu à son sujet, il est clair que Renelle Lasalle a assuré une présence de qualité dans la communauté. Malgré qu’elle n’ait jamais appris la langue anicinabe, sa grande ouverture lui a permis de découvrir et d’accueillir l’Autre.

Quelques semaines à peine après avoir quitté l’Abitibi, Sœur Renelle est toujours habitée par de nombreux rêves : que la population continue l’œuvre des vitraux commencée par le grand peintre Jean-Guy St-Arneault, écrire son aventure de missionnaire, voir à ce que le sous-sol de l’église devienne un lieu de création. Enfin, elle ne pense pas à la retraite, mais elle espère plutôt « avoir une p’tite job au ciel ».

Elle voit sa vie comme une bande dessinée.

En 2017, sœur Renelle a reçu la médaille du lieutenant-gouverneur. « Je pense que je ne réalise pas encore toute la profondeur de cet honneur. Je n’en reviens pas qu’une communauté autochtone ait choisi de mettre en valeur une “religieuse”… C’est vraiment un geste de réconciliation. »


Auteur/trice