Un laboratoire où les sujets ne sont pas étudiés, un plateau qui n’est pas vraiment un lieu de tournage, une fable à apprendre qui n’a pas à être récitée par cœur et des questions qui n’attendent pas forcément de réponses : Les Chiens-Loups, dernier documentaire de Dominic Leclerc, est une expérience in situ à l’école Notre-Dame-de-Protection de Rouyn-Noranda.
Dans ce film de 90 minutes, Alexandre Castonguay, que l’on a vu récemment dans Ca$h Nexus, est accueilli comme artiste en résidence dans cette petite école primaire du quartier Noranda. Le film Les Chiens-Loups trouve aussi une correspondance avec le long métrage Alex marche à l’amour, aussi réalisé par Dominic Leclerc, dans lequel Alexandre Castonguay devait apprendre le texte La marche à l’amour de Gaston Miron, en allant à la rencontre de citoyens.
« Les deux se répondent jusqu’à un certain point. Cette fois, au lieu d’un pèlerinage, c’est un huis clos dans une école. Au lieu d’Alexandre qui doit apprendre une fable, ce sont les enfants à qui on apprend la fable Le chien et le loup de la Fontaine, mais c’est aussi un prétexte pour parler de liberté », résume Dominic Leclerc.
Dans les murs cohabitent encore aujourd’hui deux réalités : des enfants plus démunis et d’autres bien nantis. Ce clivage, on le voit aussi selon les points de vue présents dans l’école, où les fenêtres donnent tantôt du côté des grosses cheminées crachant la fumée et tantôt du côté du lac Osisko.
« Le quartier est aussi un personnage du film. Un quartier, deux réalités. Le clash est omniprésent et esthétise le film », va jusqu’à dire Dominic Leclerc, réalisateur, monteur et producteur du film Les Chiens-Loups.
Le comédien Alexandre Castonguay avait obtenu une forme de laissez-passer comme artiste en résidence. Son séjour devait durer trois mois, il y est resté deux fois plus longtemps. Le concept? Apprendre aux enfants la fable de Jean de la Fontaine Le chien et le loup. Dans ce texte, deux réalités s’opposent. Le chien, bien gras, qui n’a pas à s’inquiéter pour ses repas et son confort que lui assurent son maître, et le loup, maigre et sans certitude, sinon d’être libre de ses mouvements.
« Nous avons flirté avec des thématiques adultes avec les enfants. La liberté, oui, mais aussi le sens. Les enfants sont toujours dans le pourquoi. L’école vient donner un sens, mais elle l’impose aussi inévitablement. Est-ce que je les ai aussi fait réfléchir ou est-ce que nous leur avons imposé une réflexion? Je pense que c’est un film qui ouvre sur quelque chose », résume Dominic Leclerc.
DE LA MATERNELLE À LA 6E ANNÉE
« J’ai figé avec la maternelle. Je me suis vu trop grand, avec une trop grosse voix. J’ai été intimidé. Je n’étais pas prêt pour eux. Mon discours ne cadrait pas avec la petite enfance. J’ai dû m’adapter », admet Alexandre Castonguay.
Même s’il avait fait de la suppléance en milieu scolaire au secondaire, en s’immergeant à l’école Notre-Dame-de-Protection et en interagissant avec les élèves de la maternelle à la 6e année, le comédien a dû raffiner le sens de sa démarche. « Dans ta géographie intérieure, y’a des parties de soi qu’on laisse en friche, d’autres parties qu’on laisse se développer, d’autres qui ne sont jamais arrosées », ajoute le comédien qui reconnaît avoir revisité certains chapitres de son parcours scolaire, lui qui n’était pas un élève modèle. Il s’est reconnu, notamment, dans un des garçons qui comme lui, passait une partie de ses journées dans les corridors.
De son séjour, il retient des moments, des observations dans ses périodes plus contemplatives de la vie scolaire, des prénoms aussi. Stacy, Meghan, Loïc et bien d’autres…
« Comme artiste, je me suis demandé ce que je pouvais apporter à une école : l’expression orale, le texte? J’ai dû faire preuve d’humilité, d’abandon. J’ai eu beaucoup de soutien de la part des enseignantes qui ont été formidables. Ces femmes ont toute mon admiration », concède Alexandre Castonguay.
Dominic Leclerc ressent aussi cette d’admiration. « On parle souvent de l’éducation au Québec. Comment la repenser. Je pense que le film peut offrir, peut-être, un outil de discussion. L’éducation, ce sont les professeurs qui la portent. C’est à eux que j’aimerais dédier le film », insiste le réalisateur.
Le film sera présenté le 26 octobre au Festival international de cinéma en Abitibi-Témiscamingue. La diffusion se tiendra en après-midi, gratuitement, à Rouyn-Noranda.
« J’ai fini de courir un marathon vraiment long. Y’a un sentiment de réussite dans le fait d’être à la ligne d’arrivée », résume finalement Dominic Leclerc.
Les billets se sont tous envolés pour la première représentation. L’organisation du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue n’écarte pas la possibilité d’une tournée régionale.