Combien de personnes connaissez-vous? Ah, en voilà une question!
Michel Forsé, dans « Définir et analyser les médias sociaux », risque cette réponse : « Tout dépend bien sûr de ce que l’on appelle “connaître personnellement”. Selon la définition choisie, les résultats varient (plusieurs milliers est l’ordre de grandeur pour un adulte). Mais on observe tout de même des régularités. Les réseaux des individus de milieux supérieurs sont plus étendus que ceux de milieux plus modestes. Les liens faibles (sur lesquels par exemple un site Web comme Facebook fonde aujourd’hui son formidable succès) s’y ajoutent aux liens forts (principalement avec la famille proche). »
Entre liens faibles et forts, que doit choisir l’animal humain dans la vie? Toutte! Les réseaux sociaux sont, dans les faits, utilisés selon ce que l’on cherche à en tirer, bêtement. On est grégaire par opportunisme, nous autres les sapiens.
Tenez, il paraît, selon certains résultats d’enquête auprès de cadres de la région de Boston rapportés par Forsé, que l’on trouve plus souvent un emploi (et de qualité en plus) en misant sur les individus avec qui nous sommes en liens faibles. Avouez que cela surprend!
Alors les liens forts entre les individus, pas si importants que ça? Au contraire, ils sont capables de générer du capital social. Pas un détail, ça!
Les Wikis peuvent vous en donner un moyen paquet de définitions, mais moi je vois le capital social comme un construit (immatériel) généré par une bunch de chummys fédérés dans une structure à laquelle ils adhèrent rationnellement et dans laquelle ils font certains compromis.
Traduction en langue vernaculaire : faire un « bi » pour construire une grange au temps des colonies demandait à chacun de perdre une journée de repos pour aider le voisin qui t’aiderait à son tour. Ça génère du capital matériel, mais ça reste possible parce que des liens forts unissent les individus ici aussi. Vous en connaissez beaucoup des réseaux sociaux virtuels où l’on se rassemble pour construire une grange?
Il y en aurait, oui, dont Front Porch Forum. Avez-vous entendu parler de ce réseau social virtuel qu’utilise la communauté de Charlotte au Vermont? Le cinéaste canadien Peter Strauss en traite dans un récent documentaire et ose même évoquer la possibilité qu’il s’agisse d’une révolution numérique tranquille.
Modéré par des animateurs humains, Front Porch Forum est sans contenu multimédia, et on y adhère à visage obligatoirement découvert. Les résidents de Charlotte (seulement) y échangent des œufs frais ou des heures de bénévolat pour une cause communautaire. Selon certains analystes, on n’y trouverait pas de contenu de haut niveau générant des réflexions songées, comme on en trouve parfois sur certains réseaux sociaux virtuels, mettons LinkedIn.
Est-ce bien grave? Je ne pense pas. De mon point de vue, l’important c’est que la structure (ici, Charlotte au Vermont) se construise du capital social et même matériel, dont des omelettes. Une charte régionale du numérique devra inclure l’expérimentation de petits réseaux sociaux dimensionnés au carré des communautés humaines d’appartenance.
Me semble.