La réponse à un sondage mené auprès des jeunes belges de la génération Y est foudroyante : 59 % pensent que l’avenir de leurs enfants sera pire que le leur et 98 % croient que les politiciens sont corrompus. Mais, qu’est-ce qui nous révolte et nous déprime autant, les jeunes? Nous avons tout, il faut bien l’avouer. Ce n’est certainement pas notre condition qui est à plaindre. Nous le savons, merci. Voyez, il s’agit plutôt des perspectives d’avenir de tout ce qui vit en ce bas monde. Devant, trop de chemins potentiels nous laissent un arrière-gout en bouche. Il fait beau, mais ça goute la mine. Difficile d’y voir clair lorsque les dieux sont en guerre. Écran de poussière.
Il est désormais évident que les scientifiques et les politiciens ne s’entendent pas sur le domaine qui constitue la priorité mondiale. Les premiers insistent sur le fait qu’on doit éviter le gouffre écologique pendant que les seconds gardent le cap sur la croissance économique. Faute de grands leadeurs politiques ou de Dieu, peut-être, les jeunes s’efforcent néanmoins de croire en quelque chose : la science. Dans l’optique où la génération Y a été éduquée à s’intéresser aux questions sociales et environnementales, il ne faut donc pas s’étonner qu’une importante proportion d’entre nous se trouve mal alors que les scientifiques s’entendent pour dire que nous fonçons à pleine vitesse dans une catastrophe écologique, principalement causée par les grandes puissances industrielles (dont la nôtre).
Il serait plutôt inquiétant, au contraire, de constater un optimisme généralisé. De la culpabilité, voilà ce qui nous habite au quotidien. Sentiment tantôt paralysant, tantôt moteur d’action. Culpabilité qui porte sur un mode de consommation que nous répugnons, mais perpétuons néanmoins. Culpabilité par rapport à notre incapacité à transformer radicalement celui-ci, aussi. Oui, à force d’incarner ces tensions, nous sommes effectivement désillusionnés, découragés de nous agiter inutilement dans la vase qui fut laissée derrière l’or.
Voilà.
Et puis quoi?
Ensuite, il faut dire que le contexte idéologique est lourd. Nous avons vu le jour à l’époque du postmodernisme, qui a suivi l’après-guerre. Ça sonne comme si nous avions manqué quelque chose, n’est-ce pas? Le préfixe post se colle à toutes nos idées, celles des derniers siècles. Nous sommes visiblement dans le « puis après quoi? ». Il ne nous reste plus qu’à étendre le tout, à « développer » le monde entier, telle est notre « mission ».
Les grandes institutions internationales (PNUD, BM, FMI) font la promotion d’un futur où tous auraient les mêmes « opportunités » économiques, on parle même d’un « droit au développement ». Ultimement, cela se ferait aussi de manière « durable », selon les dernières tendances d’ici : vous d’abord, nous suivrons… au besoin. Suffit de creuser un peu pour comprendre ce qui est décourageant. Derrière ce discours politique, on retrouve le même plat froid qu’auparavant : l’impératif de la croissance économique. Partout, encore, toujours. On y a ajouté une saveur de moralité pour que ça passe mieux, point. Même assiette, seules les épices diffèrent d’une génération à l’autre. Le diagnostic scientifique est sans équivoque : à ce rythme, vous êtes nés au début de la fin.
Alors, oui, plusieurs sont effectivement inquiets pour l’avenir de leurs hypothétiques enfants.
Nous irons au paradoxe
Changer le monde est certainement une affaire complexe. Il faut cesser de déféquer dans l’eau potable, certes, mais nous trébuchons sur des milliers de kilomètres de tuyaux. Alors on continue, on s’enfarge toujours plus. À qui la faute? Nous, vous, moi : tous coupables du statuquo.
Heureusement, cette nécessité de changer de paradigme fait du chemin dans les esprits. Peut-être est-ce dû au fait que l’état actuel du monde est mieux connu que jamais auparavant? Chose certaine, c’est une chance unique d’en apprendre davantage.
Alors on s’informe du portrait global sur la toile. Puis, lorsque les feuilles tombent, c’est la migration vers le savoir des grandes villes. On discute changement, on critique, on traine très longtemps à l’université. Malgré cela, on dit une chose et fait son contraire, comme tout le monde. Seulement, l’effort collectif augmente. Le boycottage de certains produits trop nocifs, les pétitions, le végétarisme, etc. Lorsque l’action ne suffit pas, on gueule. Forcément, la nuit, on se fait matraquer par les autorités parce qu’on ne veut rien savoir de la suite du tel monde. Du moins, tel qu’il est (excusez-nous du dérangement, au passage). Après, le jour, plusieurs font du vélo à une seule vitesse, sorte de flagellation moderne pour mieux expier ses fautes (théorie qui expliquerait l’absurdité de la chose, du moins).
D’autres, encore, s’habillent comme leurs parents ou leurs grands-parents, inconsciemment nostalgiques d’une époque qu’ils n’auront jamais vécue (hélas!). Puis, chacun rêve de cultiver son lopin de terre à la suite d’une surdose d’écrans et, surtout, pour s’assurer un bon gros banquet au cas où ça tournerait mal…