Noé Joseph Mitchell est décédé subitement le 28 janvier dernier. Fier ambassadeur de la langue et de la culture anicinabe, une rencontre avec cet homme passionné et impliqué auprès de sa communauté ne laissait personne indifférent. Nous avons voulu laisser la parole à ceux qui ont eu la chance de le côtoyer. Daniel Gagné, qui a lui-même connu Noé, a recueilli les témoignages d’Alex Cheezo, Lucien Poucachiche et Raymond Polson, qui le connaissaient bien.
Né à Nadagam, près de Kitcisakik, Noé Joseph Mitchell a fondé le groupe Anishnabe qui a laissé derrière lui deux albums de chansons dans la langue des siens. Il a aussi mis sur pied la première radio-communautaire anishnabe en région, CHUT-FM, qui a vu le jour et qui se mit à occuper le ciel de son territoire en 1988.
« Noé a laissé un héritage de communicateur, il a fait grandir notre rayonnement », raconte Lucien Poucachiche, ami de Noé, chanteur et bassiste du groupe Anishnabe.
« Lors de son arrivée à Lac-Simon au début des années 70, il tente de monter un groupe de musiciens, raconte Alex Cheezo, mais nous étions tellement malcommodes! Nous sortions du pensionnat qui avait fait de nous et de nos parents des étrangers, nous étions révoltés, une bande de fous qu’on venait de libérer des curés. Le groupe n’a pas marché, évidemment. À l’époque, nous avons dû réapprendre à communiquer avec nos parents qui nous prenaient pour des névrosés. Avec Noé, nous nous sommes questionnés et avons longuement échangé sur notre rôle d’enfant, de parent, de grands-parents, et nous le faisons encore. Ce n’est pas encore fini cette histoire-là », raconte Cheezo, qui complète actuellement une maîtrise en travail social.
Pour Alex Cheezo, Noé était avant tout un artiste. « Au milieu des années 70, il migre vers la métropole et apprend à vivre avec les Blancs; il devient danseur, mannequin et occupe plusieurs emplois. À son retour au début des années 80, il s’engage fortement auprès de la communauté de Lac-Simon, occupant entre autres le poste de conseiller pendant quatre années, pendant lesquelles il s’intéresse avec nous au dossier de l’éducation. Même si Noé était un peu plus âgé que moi, dit-il, je l’ai côtoyé; il a été un modèle, un chef né, un “leader” comme on dit en français. »
Noé était un meneur depuis longtemps. Dernièrement, il projetait d’établir un centre culturel à Lac-Simon. Il a été un support important et depuis longtemps, un confident qui écoutait sans jugement, sans accusation. Il nous a quittés triste, déçu et en colère. Les conditions politiques et ses relations avec la D.P.J. (Direction de la Protection de la Jeunesse) le désolaient terriblement depuis quelques mois.
Alex Cheezo aimerait bien que la communauté pose un geste à la mémoire de Noé : donner son nom à un festival de musique ou à une salle communautaire, quelque chose qui va souligner son passage au sein de la communauté. « Je ne réalise pas encore son départ; je sais qu’il est là quelque part », explique-t-il.
J’ai moi-même connu Noé il y a bientôt 40 ans, alors qu’il animait une rencontre des jeunes Anishnabeg à la baie des Sables, dans le parc de La Vérendrye. C’était un homme créatif et amical, un homme de parole, un porteur de traditions; c’est un flambeau qui vient de s’éteindre. Les communautés ne mesurent pas toujours l’importance de ces personnes, de ces modèles à suivre. Pour Noé Joseph Mitchell, ce sera peut-être différent.
Je l’appelais No Way, il m’appelait Ti-Blanc et nous étions des amis.
Migwetch nissèès.
Daniel Gagné \