« Du choc des idées jaillit la lumière » — Nicolas Boileau, philosophe

Quand on parle politique au Québec, c’est souvent pour chialer bien fort ou pour s’apitoyer bien bas. N’est-ce pas que certains de nos élus, que nous avons pourtant choisis, trahissent parfois notre confiance? En tant que citoyens, que pouvons-nous faire pour amorcer la réalisation de nos projets sociétaux? Voilà une réponse que j’ai trouvée le 19 septembre, au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, à Rouyn-Noranda, dans le cadre d’un rassemblement régional sur la concertation régionale. Une journée entière pour réfléchir, discuter et statuer sur les moyens à employer pour que nous, citoyens, nous sentions véritablement représentés par la classe politique.

En Abitibi-Témiscamingue, cette recherche du « comment s’impliquer dans un univers politique qui nous exclut » a d’abord pris la forme du regroupement Touche pas à ma région! à l’hiver 2015, alors que le gouvernement au pouvoir abolissait les Conférences régionales des élus (CRÉ), les Forums jeunesse et les centres locaux de développement (CLD). Constatant, au printemps, que le slogan ne pouvait plus tenir, puisque le gouvernement libéral enfonçait effectivement ses dix doigts dans notre précieuse région, le mouvement a pris le nom de Mobilisation A-T et a mené à de nombreuses manifestations citoyennes.

Cet été, dans le cadre de Projet AT, initiative du même groupe visant à établir un rééquilibrage avec le gouvernement du Québec dans une perspective de développement régional, le Collectif 1459, porté par Ulysse Rivard-Desharnais, a senti le besoin d’offrir aux Rouynorandiens un pique-nique démocratique au parc botanique à Fleur d’eau. Tandis que d’autres événements à saveur politique vibraient en écho partout en région, le pique-nique se proposait de réfléchir à cette question fondamentale : qu’est-ce que la démocratie? Comment définir notre rôle en son sein? S’agit-il de ce spectre qui assombrit notre vision du social? La réponse : Non. Si la démocratie n’est pas en santé au Québec, c’est qu’elle s’est égarée du chemin tracé à Athènes il y a des siècles. C’était alors tout simple : un citoyen votait pour des lois. Maintenant, nous votons pour des chefs, qui entre deux élections, votent des lois, qui semblent parfois être adoptées sans égards aux préoccupations citoyennes. Mais nous n’avons pas dit notre dernier mot.

Après un hiver dégourdi, un printemps perturbateur et un été en ébullition, l’Abitibi-Témiscamingue était mûre pour se doter d’un outil de concertation régionale. Ainsi, le 19 septembre dernier, des militants venus des quatre coins de la région rassemblés à Rouyn-Noranda ont voté à l’unanimité pour la création d’une instance de concertation officielle où le citoyen pourra s’exprimer et être écouté. Cette instance de concertation se donnera un statut juridique et légal et reprendra la structure du défunt Conseil régional de développement en Abitibi-Témiscamingue (CRDAT). Le CRDAT ressuscite donc afin de non seulement permettre à dix citoyens de représenter la société civile au comité de consultation élargi de la Table des préfets de la région, mais avant tout de redonner une voix aux citoyens afin qu’ils puissent se prononcer, et débattre sur l’avenir de leur région, que ce soit en assemblée, dans les médias ou même lors de commissions parlementaires.

L’instance sera responsable de rassembler ses membres et la population lors de forums et permettra à tous de retrouver leur voix. Comme l’a mentionné l’inspirant conférencier Denis Bourque lors de ce rassemblement du 19 septembre, il a été maintes fois prouvé, au Québec, que la concertation de l’État et du peuple mène aux plus grandes réalisations. Peut-être que le gouvernement nous a porté un coup en cessant de subventionner nos lieux de parole, mais cela ne signifie pas pour autant que nos langues soient coupées. Le Chien gras mais attaché de la Fable de La Fontaine se transforme en Loup plus mince, mais libre de mordre (ou du moins de japper!) lorsque nécessaire. Nous serons peut-être des bénévoles pour faire vivre à nouveau, sous une forme nouvelle, le CRDAT, mais soyons fiers de pouvoir désormais affirmer que nous avons maintenant une arme qui risque d’inspirer bien d’autres régions. Longue vie à la parole citoyenne! \


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