Frank Polson et Shawn Rodrigue Polson sont deux artistes originaires de la communauté de Long Point First Nation à Winneway. Ils se sont récemment retrouvés pour une exposition collective intitulée Dialogue au centre d’art actuel L’Écart de Rouyn-Noranda.
Ce qui me semble le plus frappant de la rencontre avec ces deux artistes, c’est l’approche complètement différente selon la génération à laquelle ils appartiennent. Si la première est marquée par un passé tel que nous l’a dépeint Desjardins dans le Peuple invisible, la deuxième surprend par sa fraîcheur et sa contemporanéité. Dans les deux cas, on retrouve deux hommes fort sympathiques, pleins d’humour, d’humanité et de sensibilité. Leur démarche artistique se traduit par une quête identitaire qui se concrétise dans un art commun même si le chemin pour y arriver diffère. Chacun leur tour, ils se sont livrés à cœur ouvert pour raconter en mots ce qu’ils ont appris à raconter avec la peinture.
Pour Frank Polson, les premières ébauches artistiques remontent à l’enfance alors qu’il suivait son père dans les activités autochtones traditionnelles. Ces images, au crayon de plomb sur un simple papier, furent les prémices des toiles colorées que crée désormais l’artiste. La peinture représente pour lui une occasion de jeter un pont entre les deux cultures. Selon le peintre, « c’est un peu comme si les humains avaient cette fâcheuse tendance à vouloir se diviser pour des questions de croyances, de couleur de peau, de provenance, etc. » L’idée soutenue par ses tableaux est de rassembler l’humanité sous un même ciel. Évidemment, l’artiste présente avant tout les traits de sa propre culture en exploitant des thématiques bien connues : la spiritualité autochtone, le mode de vie traditionnel, l’héritage des aînés, etc. « Même si on ne vit plus comme ça, on restera toujours des Algonquins et si on continue de promouvoir ces valeurs, c’est pour préserver notre identité », précise Frank Polson.
Ses thèmes incarnent l’harmonie avec l’environnement, les humains et les bêtes, harmonie qui devient de plus en plus fragile. « À Winneway, j’ai arrêté d’aller dans la forêt parce qu’il n’y en a plus, tout est coupé. On y allait souvent avant, à tous les automnes pour la chasse et puis un jour, je me suis perdu. Il n’y avait plus d’arbres pour m’orienter », raconte l’artiste. Malgré tout, ce territoire qui se transforme au gré des coupes forestières l’inspire dans la composition de ses tableaux.
Récemment gradué d’un baccalauréat en Beaux-Arts à l’Université Nipissing à North Bay, Shawn Rodrigue Polson nous amène complètement ailleurs. Bien qu’il en soit inspiré, son art est loin d’être d’avoir une facture traditionnelle. Il insiste sur le caractère plus individualiste de ses œuvres. « Je suis un métis et je me suis toujours senti différent, unique, dans un entre-deux. Chez les Autochtones, je suis un Blanc; à l’université, j’étais l’Indien », relate le jeune homme. Bien qu’il ait grandi dans la réserve, il n’a pas été imprégné de la tradition orale, valeur prépondérante dans la culture autochtone. L’artiste s’est donc approprié cette partie de son histoire à travers les livres. Il s’intéresse à l’origine des contes, ceux épurés de toutes les nouvelles couches ajoutées à travers le temps. C’est un peu comme s’il était à la recherche des premiers mots prononcés au téléphone arabe et, ce point de départ, il le retrouve dans les personnages marquants des récits. De cette façon, l’artiste a la liberté d’interpréter lui-même les récits et de se créer son propre univers.
On retrouve les influences de Tim Burton dans les œuvres de Shawn, notamment à travers les contrastes des personnages à la fois monstrueux et sympathiques, le tout baigné dans une luminosité à la Caravagio, sombre, mais lumineuse. « Je trouve que c’est une approche plutôt rafraîchissante de l’art autochtone », conclut le jeune artiste.