Le 26 janvier dernier nous quittait un des piliers de la promotion du patrimoine régional. Marc Côté est décédé subitement, après avoir passé une vie à déterrer, défendre et enseigner le patrimoine archéologique de l’Abitibi-Témiscamingue.
Originaire de Matane, Marc était venu en région en 1986, en réponse à l’appel lancé par un tout jeune organisme qui s’était constitué pour encourager la recherche archéologique en Abitibi-Témiscamingue. Ayant choisi le nom d’Archéo-08 en raison du numéro de la région administrative, l’organisme cherchait un archéologue pour diriger toutes les étapes de la recherche archéologique, depuis les recherches de terrain jusqu’à la diffusion des résultats. Le conseil d’administration a trouvé en Marc la personne qu’il fallait. Marc et sa toute jeune famille se sont alors installés dans la région et il a fait siennes les préoccupations de l’organisme, de la région et de la défense de l’archéologie en général pendant près de trente ans.
Dans les années 1980, très peu de recherches avaient été effectuées par des archéologues professionnels en Abitibi-Témiscamingue, de sorte que la région était une sorte de terra incognita sur le plan du patrimoine archéologique. Marc allait changer cela. Il allait également combattre farouchement l’idée reçue que la région était toute jeune. En effet, Marc avait une conscience claire de la profondeur temporelle de l’héritage culturel autochtone en région, profondeur qu’il avait réussi à établir à près de 8 000 ans. Il a cherché à valoriser cet héritage, notamment en créant des partenariats avec différentes communautés algonquines, mais aussi en contribuant à la mise sur pied de l’exposition muséale itinérante de haut calibre Abitibiwinni : 6000 ans d’histoire. Cette exposition présentait le patrimoine culturel contemporain et passé de la Première Nation Abitibiwinni et a voyagé dans différentes institutions muséales au Canada et à l’étranger. Marc a aussi valorisé l’héritage culturel multiple en région, en contribuant à fouiller, par exemple, un des postes de traite établi sous le Régime français, en Abitibi-Ouest.
Marc était un passionné d’archéologie. Il était aussi un passionné de la discussion. Il adorait raconter et expliquer ses trouvailles sur toutes les tribunes, ce qu’il faisait en trouvant le moyen de transmettre sa passion à ceux qui l’écoutaient. Il a effectué de nombreuses publications dans les milieux scientifiques. Il a également partagé ses connaissances dans les milieux locaux par les moyens les plus divers : fouilles archéologiques ouvertes au public, capsules historiques à la radio, livret de vulgarisation sur le patrimoine archéologique de la MRC de Rouyn-Noranda, cours au Réseau libre savoir, présentations dans les écoles avec son collaborateur David Laroche…
Marc s’intéressait aussi vivement à la protection du patrimoine archéologique et s’impliquait activement pour l’inclure dans les structures municipales et provinciales. En plus de ses actions individuelles, il s’impliquait au niveau associatif, dans le but de contribuer à faire du patrimoine un outil de développement pour la région. Il a été président du Regroupement des sites et monuments historiques de l’Abitibi-Témiscamingue. Il a travaillé auprès du Conseil de la Culture de l’Abitibi-Témiscamingue pendant de nombreuses années et en a été le vice-président, mais également le représentant du secteur patrimoine. Jusqu’à son décès, Marc était président de l’Association des archéologues du Québec, poste qu’il occupait depuis 2011. Le Conseil de la Culture de l’Abitibi-Témiscamingue a reconnu son implication en lui remettant, en 2006, le prix d’excellence dans la catégorie patrimoine et histoire.
En 2004, Marc présentait une communication à l’Association des archéologues du Québec où il dressait le bilan de ses activités et où il démontrait que malgré des débuts modestes, l’Abitibi-Témiscamingue était désormais devenue une « île de connaissances dans un océan d’ignorance »[1] en matière d’archéologie québécoise. Le choix des mots n’était pas exagéré. À cette date, l’Abitibi-Témiscamingue pouvait se vanter d’avoir bénéficié d’un programme de recherche continu pour lequel Marc avait été un moteur constant. Au cours de la même présentation, Marc suggérait de reproduire le succès du modèle témiscabitibien ailleurs. L’idée a fait son chemin depuis et aujourd’hui, un projet semblable au modèle d’Archéo-08 existe en Côte-Nord… dont le coordonnateur est un ancien collaborateur de Marc qui, par ailleurs, a fait son mémoire de maîtrise sur des collections archéologiques d’Abitibi-Témiscamingue! Des projets similaires existent aussi à la Baie-James, avec également un collaborateur de Marc impliqué dans le processus.
La personnalité joyeuse et enthousiaste de Marc va nous manquer ; son héritage s’est quant à lui transmis et continuera de grandir.
[1] CÔTÉ, Marc. 2004. « L’Abitibi-Témiscamingue, une île de connaissances dans un océan d’ignorance », Archéologiques, n° 17, pp. 94-96.