Il se nomme Anthony Grégoire, il a 23 ans, est originaire d’Amos et cultive une passion peu conventionnelle pour l’ethnomusicologie, un domaine d’études très pointu et dont l’exercice est rarissime. Il complète présentement un double baccalauréat en musique et musicologie et sera, cette année, l’unique diplômé de sa promotion au Québec. Au cours d’un entretien que nous avons eu, il m’a fait entrevoir, avec un enthousiasme contagieux, la richesse de la discipline qui est la sienne.

La musique et particulièrement le chant seraient, selon Anthony, parmi les plus anciennes formes d’expression culturelle, possiblement même l’art originel. Vu l’importance que prend la musique dans la construction du langage et des structures de fonctionnement du cerveau et son absolue omniprésence dans l’ensemble des cultures humaines, il n’est pas surprenant qu’une science s’y consacre. La musicologie, vaste domaine d’études s’il en est un, traite des divers aspects de la musique tels que son histoire (sociale ou technologique), fait l’analyse de sa construction et des théories qui la sous-tendent ou, dans le cas qui nous intéresse, étudie les liens qui unissent la musique à une société donnée.

Après avoir quitté le secondaire, Anthony Grégoire entreprend l’étude de la guitare au Cégep de Drummondville, avec pour objectif de devenir interprète. Toutefois, les chemins que la vie nous fait emprunter sont imprévisibles. C’est au cours d’un stage d’initiation à la coopération internationale au Sénégal, accompagné entre autres par l’un de ses enseignants de musique, qu’il fera sa toute première rencontre avec l’ethnomusicologie.

Invité à assister aux répétitions d’une chorale de leur localité hôtesse, il est intrigué par la présence de cette coutume musicale inhabituelle pour cette région du monde. En effet, le chant choral fut importé au Sénégal par les colonisateurs français et les missionnaires catholiques. La pratique de ce genre musical s’est donc implantée parmi les populations catholicisées de ce petit pays d’Afrique occidentale. Il est aussi fasciné de constater l’influence que la culture autochtone a sur cette musique étrangère. Une empreinte qui se manifeste non seulement par la couleur tout à fait locale de l’interprétation, mais aussi par un non-respect flagrant des partitions qui s’explique par la grande vivacité de la tradition orale au sein des populations africaines, spécialement à la campagne.

C’est cette interdépendance entre musique et culture, d’une part, mais aussi la relation d’influence réciproque, de même que tous les liens que l’on peut tisser entre le fait social et cette facette essentielle des cultures humaines, qui l’incitent à se réorienter afin d’aller au bout de sa curiosité.

Anthony complète présentement un double baccalauréat, mais ne compte pas s’arrêter là. Il entend s’engager dans la rédaction d’une maîtrise dont le titre préliminaire est : La représentation de la collectivité dans la mise en acte du chant choral sénégalais. À savoir s’il compte un jour s’établir en Abitibi-Témiscamingue, Anthony  avoue être très attaché à son patelin, mais désire un jour enseigner l’ethnomusicologie, un programme universitaire exclusivement offert à l’Université de Montréal. Pas de retour au bercail prévu pour le moment donc, mais dans un coin de pays ou les possibilités ne cessent de s’accroître et qui a déjà vu revenir tant de jeunes œuvrant dans des domaines variés, permettons-nous d’espérer un peu.