Quatrième extrait de quatre – Une entrevue avec Yvon H Maka Couture
M.P. : On dit que les Acadiens, quand ils content, ils font des gestes… quand les Québécois content, c’est une affaire de paroles… quand l’Algonquin conte, qu’est-ce qui se passe ?
Y.H.M.C. : Ça dépend de chaque conteur. Chaque conteur a son style. Prends Pien Peters par exemple. Tu connais Pien Peters ?
M.P. : Je l’ai vu dans un film de Lamothe.
Y.H.M.C. : Bon moi-aussi… tu remarqueras comment y conte. Y’était assis au pied de son arbre, y bougeait pas. Y’était assis, y’était ben installé au pied d’son arbre, y’était relaxe. Pis tout en parlant, de temps en temps pour appuyer son récit, y prenait un petit caillou ou ben un petit bout de bois qui était proche…le petit morceau de bois ça devenait un animal, le petit caillou ça devenait comme un personnage
Autrefois, souvent quand les conteurs racontaient, y’avaient une besace avec eux autres pis y’avaient des petites sculptures d’animaux avec eux autres, en cèdre la plupart du temps, puis de temps en temps, surtout quand c’étaient des petits enfants y sortaient des petits animaux pis les plaçaient en avant d’eux-autres pis c’était un spectacle finalement. Si tu r’montes encore plus loin dans l’temps ben y’avait du théâtre, y’avait d’la danse… puis tu trouves même des légendes qui sont racontées sous forme de poème. Tu trouves même d’la poésie, mais ça, c’est si tu r’montes loin au temps des anciennes civilisations. (…)
M.P. : Pierre Chigak était un peu le mentor si j’peux dire… dans votre démarche…. une référence ?
Y.H. M. C. : Pierre Chigak c’t’une référence justement. Pierre Chigak c’était un des…. un Algonquin des Trois-Rivières qui est déménagé à Sillery en 1634-35 avec un groupe d’Algonquins des Trois-Rivières qui sont déménagés là à Sillery tout près de Québec où y’avait une réduction. Ils sont allés rejoindre les Montagnais, puis y se sont organisés-là. Mais Pierre Chigak lui au début, en 1650-1675 c’était déjà un homme très âgé, aveugle, et c’tait un gardien des traditions. Un gardien des traditions ça veut dire qu’y connaît toute l’histoire du déluge jusqu’à aujourd’hui, y connaît toutes les légendes jusqu’à aujourd’hui. La langue y’a connaît dans tous ses détails, y peut l’enseigner et y peut enseigner les légendes… Quand y’a des rencontres ou des traités, souvent on va demander à lui…. c’est lui qui va préparer le discours des chefs ou bien même c’est lui qui va faire le discours lui-même. Pierre Chigak c’était non seulement un grand grammairien, un linguiste, c’était aussi un grand orateur. C’tait un homme qui savait parler comme on disait dans ce temps-là. Y savait conter aussi. Donc j’l’ai pris un peu comme modèle.
J’lui ai dédié mon livre. Mon Nouveau lexique français-algonquin, puis j’l’ai dédié à lui, puis en plus j’lui ai consacré un chapitre complet. Dans le temps de son vivant (celui de Chigak), à son époque, c’était l’algonquin en «r» qui était à la mode. C’est une chercheuse nommée Diane Daviault qui a réussi à retrouver la grammaire de M. Louis Nicolas dont le professeur d’algonquin était Pierre Chigak, Elle a retrouvé ça dans un musée en France à Paris, elle a retrouvé la grammaire, le manuscrit de M. Louis Nicolas, puis c’est comme ça qu’on a réussi à retrouver l’intervention et le personnage de Pierre Chigak.
(Plusieurs ouvrages de Yvon H. Maka Couture sont disponibles dans les librairies de l’Abitibi.)
(Fin de la série)