Troisième extrait de quatre – Une entrevue avec Yvon H. Maka Couture
Les gens avaient complètement arrêté d’en parler sauf qu’au début du XXe siècle, entre 1910 et 1920 à peu près, il y a des ethnologues américains comme Franck Speck et H.P. Beck, quelques autres (…) qui ont recueilli des légendes algonquines un peu partout au lac Dumoine, au lac Témiscamingue, au Grand Lac Victoria. Ils en ont recueilli au lac Abitibi aussi. (…) Ça n’a pas tout été publié, mais y’en a quelques-unes qui ont été publiées au Ministère des Ressources naturelles du Canada…. Mais tous les manuscrits quasiment sont rendus aux États-Unis dans les universités et quelques-uns en Europe. Ici au Québec, y reste absolument pu rien, tout est disparu (…) J’ai ramassé tout ce je pouvais, tous les fragments de légendes que j’ai pu trouver. (…) j’en ramassais (déjà) un petit peu… les petits bouts que j’ramassais depuis que j’étais tout jeune…
J’en connaissais quelques-unes parce que mon oncle en racontait. (…) Un moment donné, on a fait des entrevues avec des ainés. Quelques-uns très âgés… puis, y’en avait un qui en connaissait encore pas mal, il s’appelait Donat Moushoom (…) Donc suite à ces entrevues-là avec des ainés algonquins (…) ça m’a encouragé. Après ce que je viens d’apprendre ici, je serais peut-être capable de reconstruire la mythologie algonquine à partir du peu que j’ai. Ça fait que là, je me suis relancé dans mes recherches. J’ai ramassé tous mes fragments. J’ai commencé à les réécrire. J’ai commencé à comparer avec les nations voisines, parce que chaque légende a son territoire et ce territoire-là ne correspond pas nécessairement au territoire d’une nation ou d’un clan. (…) L’étendue territoriale d’une légende, on appelle ça une province mythologique. L’étendue territoriale, ça peut s’étendre d’un océan à l’autre. Ça fait que j’ai commencé à ramasser le plus grand nombre de versions que je pouvais trouver. (…) J’ai réussi, entre autres à reconstruire presque au complet le mythe du Grand Lièvre. (…)
M.P. : Vous situez vos écrits toujours par rapport à la… disons… remise en jeu ou remise en tradition de ces histoires anciennes, donc à la fois vous les mettez en littérature et à la fois vous êtes préoccupé par leur transmission orale..
Y.H.M.C. : J’essaye de les écrire comme je les raconterais si j’étais devant un petit groupe d’enfants ou d’adultes qui les écouteraient et en même temps, je les écris dans un français moderne….
Je les traduis (…) puis je développe un petit peu les dialogues. J’en invente pas! Je développe les dialogues comme y seraient supposés d’être, parce que, bien souvent les dialogues ont été coupés… Quand les ethnologues les ont recueillis, ils ont fait des résumés seulement…. On voit qu’y a comme des commencements de dialogues, puis on peut rebâtir avec ça (…) … Je reconstruis les légendes comme un conteur les conterait. J’essaye de faire passer le plus de choses qui appartiennent à la culture algonquine, qui appartiennent à la tradition algonquine. Et puis ces légendes, ce sont des mythes fondateurs qui racontent la formation du monde, alors c’est très très important!»\
(Dernier extrait dans le prochain numéro de l’Indice bohémien.)