L’hiver fut difficile cette année et le printemps a vraiment tardé à éclore. Même si les preuves du réchauffement climatique ont été peu apparentes au cours des derniers mois, les oies arrivent toujours plus tôt et repartent de plus en plus tard. Elles, qui peuvent nous voir de haut, ne s’y trompent pas: elles savent d’instinct où elles vont et pourquoi.
Présentement, autour de la faille de Cadillac, tout le monde, ou presque, travaille comme les abeilles en juillet. Alors, pourquoi s’en faire avec un printemps tardif où l’effet de serre, maintenant que nous pouvons, apparemment, tout nous offrir? Car c’est bien ce qu’on peut comprendre: tout est possible depuis que la ruée a débuté, que la région est en surchauffe…
Des véhicules flambant neufs parcourent nos routes, plans d’eau et pistes de motoneige; des vols quittent régulièrement nos aéroports pour le sud ou le nord; des maisons à trois cents, quatre cent mille dollars ou plus poussent comme des champignons; les hôtels sont pleins et les enfants gâtés comme jamais dans notre jeune histoire… Les entrepreneurs font des affaires d’or. Le taux de chômage est à ce point bas, la main-d’œuvre si rare, qu’on engage au Maroc pour venir travailler dans la restauration rapide. De jeunes gens brillants n’hésitent pas à compléter un diplôme d’études professionnelles pour travailler dans les mines. Le crédit est bon, les ventres sont ronds; l’économie tourne à fond Léon…
Bien sûr, il manque de logements et de jeunes ménages s’endettent sans trop réfléchir. Bien sûr, ce n’est pas tout le monde qui en profite. Mais on ne peut pas faire plaisir à tout le monde… Du moins, pas dans l’esprit d’une course au profit, où les premiers arrivés sont les premiers à se servir… Que peut-on y changer? Après tout, c’est la vie…
Les affaires vont si bien, à nous entendre parfois, qu’on pourrait peut-être se payer un printemps éternel pour sortir les barbecues, les motos, les hors-bord, parfaire les arrangements extérieurs, profiter un peu de notre argent à longueur d’année… Pas besoin de cultiver un jardin, on pourra toujours tout acheter au magasin… Toujours… Mieux vaut se faire bronzer, mieux vaut les festivals bien commandités, plutôt que s’éreinter à se cultiver un pays.
Nous connaissons donc un autre boom au moment où l’économie de la planète humaine chambranle. Tout le monde sait que ça ne durera pas, mais tous ceux et celles qui peuvent en tirer profit le font sans gêne.
Après? Après, ça sera comme avant la ruée… Ça sera la misère? Mieux vaut ne pas trop se poser de questions le temps du printemps…
On croirait vivre dans l’illusion pure, sans futur. Comme si on pouvait semer l’or pour qu’il pousse dans les champs et puisse nourrir nos corps comme le mensonge, nos esprits.
Où va-t-on ainsi? Où va-t-on ensemble? Comment reverdirons-nous si l’hiver revient? Comment le passerons-nous ce prochain hiver? Aura-t-on fait provision des leçons du passé?