« Je me régale toujours plus lorsque je mange seule, la lumière éteinte, la cuisine désertée. Comme ça, j’oublie que c’est la deuxième assiette, la sixième bouchée, la huitième gorgée. » (p.59)

Née à La Sarre, l’auteure signe ici son premier livre. Cette jeune femme de 30 ans est domiciliée dans la région de Montréal depuis une dizaine d’années. Elle a quitté l’Abitibi en 1997 afin de participer à un échange étudiant d’un an aux États-Unis, puis elle a poursuivi des études universitaires en journalisme dans la région de Montréal.

Ce recueil composé de dix nouvelles relate la vie des femmes, les petits et grands moments du quotidien, les gestes dont on est fières, et les autres, les relations avec les parents, avec les hommes, avec les femmes, avec les enfants, avec la vie autant qu’avec la mort, mais toujours sans que les thèmes abordés ne deviennent envahissants.

Le recueil commence en montrant la facilité avec laquelle nous portons un jugement sur les autres (ce regard supérieur que l’on chausse comme des lunettes), avant de retourner la lorgnette afin d’analyser plus avant les femmes dans leurs relations quotidiennes tout au long des neuf nouvelles suivantes. L’auteur présente le désir : ainsi, un personnage adultère trompe
son mari afin d’être mieux auprès de lui; une autre femme exaspérante provoque chez son mari un désir meurtrier, mais
toujours contrôlé. Madame Carreau aborde de manière directe le désir d’avoir un enfant en détaillant tous les corps de métier auxquels son personnage féminin fait appel dans l’espoir de concevoir.


Quelques nouvelles plus loin, elle oppose deux femmes : une exténuée par son bébé et l’autre qui ne peut avoir d’enfant, mais qui s’imagine enceinte. L’auteur raconte aussi le désespoir, lorsque le quotidien dérape, lorsque l’on perd le contrôle sur soi ou sur son environnement. À cela s’ajoute la crainte de l’oubli, la peur quasi viscérale de ne plus se souvenir du bonheur, de son odeur, de sa forme. La dernière nouvelle, présentée un peu comme le journal intime d’un médecin, et définitivement la plus déchirante, raconte l’amour et la résilience d’une mère.

L’ordre dans lequel les nouvelles s’enchaînent permet d’approfondir la réflexion sur nos comportements sociaux et nos rapports à nous-mêmes et aux autres, mais sans jamais que cela ne soit lourd. Cette impression est renforcée par le fait que les personnages reviennent d’une nouvelle à l’autre.

Dans l’ensemble, ce recueil s’avère agréable à lire. L’écriture poétique fait appel aux émotions grâce à une plume légère, mais efficace, qualités auxquelles s’additionnent des touches d’humour qui rendent ce regard sur les déchirements du quotidien supportable. Il s’agit là de ces livres qui provoquent un petit sourire au coin des lèvres parce que nous nous retrouvons dans ces petits travers décrits avec amour.

Pour ceux qui aimeraient déjà lire une suite, il semblerait que Valérie Carreau ait commencé à travailler sur son prochain livre.


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