Lorsque l’on parle de l’histoire de l’Abitibi-Témiscamingue, c’est souvent à la version masculine que l’on fait référence : le trajet difficile dans la forêt dense, jusqu’à l’arrivée sur le lot réservé. La déception de trouver une terre de roches et d’arbres collés les uns sur les autres. La descente sous terre dans les mines et le travail harassant. L’oubli dans l’alcool et les jeux… et tout le reste qu’on connaît déjà. Du côté féminin, on connaît surtout l’histoire des femmes qui arrivaient une fois le campement construit, avec les enfants, la plupart du temps, et qui aidaient leur mari à poursuivre l’établissement et le travail de la terre.

Par contre, on parle peu de l’arrivée des femmes dans les villages miniers. Il y a bien le livre d’Alexandre Faucher, De l’or et des putes (Éditions du Quartz), qui raconte l’histoire des filles de joie qui débarquaient du train la veille du jour de paie et qui poursuivaient leur route dans d’autres établissements miniers après quelques jours. Mais qu’en est-il des femmes qui sont restées? Qu’en était-il de nos pionnières?

Dans un mémoire de maîtrise réalisé en 1998, Louise Bryce, qui habite aujourd’hui Val-d’Or, s’est penchée sur l’histoire des femmes dans ce qui n’était à l’époque qu’une agglomération minière. Selon elle, ce serait les femmes qui auraient fait en sorte que les camps miniers passent graduellement de temporaires à permanents.

« C’est là où l’apport des femmes est devenu essentiel à l’établissement, explique-t-elle, parce que qui dit femme dans une communauté minière, dit nécessairement école, soins hospitaliers, église, etc. Ça a consolidé les services à la communauté et fait en sorte que c’est devenu plus qu’un camp minier fait de baraquements voués à être démolis ensuite. Ça a permis aussi la création de petits clubs comme les Filles d’Isabelle, l’arrivée et le déploiement des religieuses, et toute l’animation paroissiale requise. Un meilleur équilibre s’est graduellement implanté. »

Toutefois, dans les années 1930, ce n’est pas seulement la présence des femmes qui a stimulé l’établissement permanent des camps miniers de la faille de Cadillac, mais également leur participation active à la création d’activités économiques. En effet, la désorganisation sociale entraînait une certaine forme de liberté à l’extérieur du foyer, qui était difficile dans des villages où le clergé, l’administration publique et les services policiers étaient les porte-paroles des normes de la société. De plus, l’époque de la Grande Crise poussait les femmes et les ainées de la famille à faire preuve d’inventivité et de détermination pour participer au revenu familial.

« Elles n’étaient pas fortunées et devaient faire preuve d’énormément de débrouillardise, raconte Mme Bryce. Certaines tenaient des maisons de chambre de nuit et de jour, c’était une façon d’arrondir leurs fins de mois. Il y avait des dépanneurs, des petits magasins de coupons, des salons de coiffure, certaines femmes effectuaient aussi la lessive des travailleurs célibataires. Le quotidien, dans les conditions de frontière de l’époque, était ardu et exigeant pour arriver à réaliser l’ensemble de leur besogne de ménagère. »

Les personnes qui aimeraient en apprendre davantage peuvent consulter la version PDF du mémoire de Louise Bryce, Les femmes et la quotidienneté à la frontière minière en Abitibi : Val-d’Or 1933-1950, qui est disponible sur le site Recherche uO, le dépôt numérique de l’Université d’Ottawa.


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