Sur l’île aux mouettes se pille le silence des eaux. Chaque matin la même histoire : une complainte, puis une autre. Pleurnichent les oisillons, se chamaillent les sots. On y expie ensemble sa faute. Toutes les fautes. En canon, par la bouche on se répond : c’est moi, c’est toi! Si bien qu’on ne s’intéresse plus au doux bruit des flots, pas même les matelots.

 

Dans la forêt de l’île vit un vieux cèdre, comme il est grand. Depuis mille ans, voisin de flaque, miroir d’oiseau. Avec le temps, il nous cache l’eau. Miroir, miroir. Comme il est gros. Qu’on le hache, qu’on le brûle, trop c’est trop.

 

Sur le roc mis à nu, plus que des mouettes. Miroir, miroir. Que le reflet de l’eau. Deux îles, deux moi. Ma moue de mouette. Comme je suis beau.

J’aurais voulu être un faucon.

Puis la nuit, plus d’oiseaux. Rien que la peur. Pas même l’amour du silence des flots. Noir, noir.

 

Dès l’aube, l’espoir. À mille yeux ici le ciel se scrute. Petit oisillon se meurt. Viendra-t-on me sauver? Chaque jour cette manie; qui peut prétendre ne pas tenir à la vie? Tradition l’oblige, la mère se vide ailleurs. C’est vous, c’est eux. Ils n’ont pas de chance, les voisins.

 

Raille davantage la progéniture, car c’est bien dans la merde qu’elle se vautre. Dans la sienne et dans celle des autres. C’est moi, c’est toi. Elle coule sous nos palmes, salit notre honneur. Avant longtemps, le monde sera couvert d’horreur.

Et nous ne serons jamais faucons.

 

À mille lieues d’ici la mère cherche l’île voisine. Là-bas, on se battait pour un bout de pain. Désormais, on vit dessus. À dos de castor, ils affluent vers l’île aux mouettes, les corbeaux. Peuvent-ils venir ici chez nous, dans nos urines? On se chamaille comme des chiots tandis que se déchaîne le torrent des flots. Qu’on tue les traîtres et qu’on les jette à l’eau! Mais ne sommes-nous pas tous des oiseaux?

 

                                                                                                                                      

 

 i. Ne voit-on pas la crue des eaux?

ii. On ne s’intéresse plus au silence des flots

iii. Se noient des milliers de corbeaux

iv. Ne voit-on pas la furie des eaux?

v. On ne s’intéresse plus au torrent des flots

vi. Comme il serait doux, le silence des sots

vii. Qu’on retrouve enfin le doux bruit des flot