Dans ma dernière chronique de 2018, j’ai visité avec vous la ville intelligente. J’aurai dû commencer par le début. À quoi peut bien servir une ville intelligente certifiée si on n’est pas en mesure d’expliquer la nature des changements qu’on cherche à générer, des valeurs qu’on désire y investir? Je vais donc aller plus loin et tenter d’explorer avec vous les tenants et aboutissants du phénomène de l’intelligence collective à l’heure du numérique dans une perspective d’application régionale, il va sans dire. 

 

Recommençons par le début : l’IA, ou « intelligence artificielle ». Rarement a-t-on vu un mot autant fasciner et faire peur à la fois. Nick Bostrom, dans son ouvrage Superintelligence, écrit ceci : « une fois devenus des oracles omniscients, les algorithmes de Google, Facebook et autres pourraient bien se transformer en acteurs et, en définitive, en souverains. »

 

Constat affolant. Qu’avons-nous comme ultime recours pour empêcher une prise de contrôle aussi hostile de nos consciences? Que pouvons-nous y opposer?

 

Une des réponses aurait pu être : notre intelligence collective. Mais ça, c’était avant. Avant, celle-ci reposait sur le transfert de la vérité acquise en milliers de petits savoirs auprès des générations précédentes. À la fin du siècle dernier, nos collectivités avaient déjà perdu beaucoup de leur cohésion, nous forçant à nous en remettre aux vérités multiples et personnelles avec lesquelles le consumérisme néolibéral nous bassine sans arrêt. Nous sommes devenus de moins en moins compétents collectivement, et paradoxalement, nous n’avons jamais été aussi préoccupés par le regard des autres sur nous.

 

Mais quand même, reconnaissons-le : nous, les sapiens, sommes des animaux grégaires qui, avec un gilet jaune par personne, réapprennent vite. Tout n’est donc pas perdu.

 

Je pense qu’un habile dosage entre le développement numérique, le recours à notre savoir collectif et notre intelligence territoriale comme valeurs cardinales représente une formule d’avenir. On appelle ça l’intelligence connective; un mélange efficace entre « collectif » et « connecté ». 

 

Dans les prochaines chroniques, nous parlerons d’un des principaux intrants de l’intelligence connective, qui est sans aucun doute la somme de nos connaissances et de nos ressources. Dresser l’inventaire de celles-ci, et les ouvrir. Les codes sources libres (open source), autrement dit. Nous aborderons aussi un élément complexe à mettre en œuvre et pourtant essentiel : arriver à construire et à préserver un espace privé, tout en étant dans la sphère publique. Les gens ne sont pas des données mises en bits et vendues en paquets. L’individu est étymologiquement indivisible (à moins de l’écarteler, ce qui est un phénomène physique… mais ne nous attardons pas). L’Individu n’est pas le « e-dividu ». Puis, nous parlerons de l’apprentissage en ligne (e-learning), l’apprentissage à l’heure du numérique libéré. En avant-dernier chapitre, nous aborderons la réalisation en solo ou en collaboration (expérimenter, prototyper, développer). Enfin, feux d’artifice, effets spéciaux et apothéose : nous reviendrons en détail sur les structures requises pour accomplir la grande métamorphose de la culture de l’intelligence connective.

 

Après, je prendrai ma retraite… pour vrai. 


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