À la suite de son infâme aveu de non-profession de foi, la ministre Lise Thériault a été jetée aux gémonies. Qu’à cela ne tienne ! Elle n’a eu que ce qu’elle méritait, car c’est le sort réservé aux traîtres, aux mécréants et aux hérétiques de son espèce. Mais il n’empêche que si on m’avait demandé mon avis avant de l’envoyer à la potence, j’aurais très certainement obtenu une requalification de ses chefs d’accusation.

Il me semble en effet qu’on doit faire preuve d’une certaine discrétion, d’une certaine réserve, quand on occupe certaines fonctions dans un état laïc. Aussi est-on dispensé d’afficher ses croyances, ou ses non-croyances, pour éviter de donner l’impression qu’on favorise ceux qui sont du même côté que soi. À mon sens, tout le dérapage provient de ce difficile exercice consistant à manier la langue de bois.

Cette affaire, qui n’en est pas une en réalité puisque c’est le propre de notre époque mégalomane de voir le scandale du siècle dans le moindre incident, n’a pas seulement donné lieu à des amalgames ridicules et autres raccourcis intellectuels. Il montre aussi les contradictions de notre société qui, tout en proclamant le droit à la différence, établit sournoisement une uniformisation de la pensée, une dictature du consensus. L’idéologie possède ce vice détestable de se construire un univers clos. Tant qu’elle peut souffrir qu’on pense en dehors de ses remparts, elle promeut le débat, l’esprit. Mais dès qu’elle ne tolère plus que sa vérité, elle ne devient rien de moins que sa propre caricature, c’est-à-dire une secte. Un jour peut-être elle comprendra, mais le monde ne sera déjà plus le même. \


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