« La crise sanitaire actuelle agit comme un puissant révélateur des inégalités existantes. » Voilà le constat d’un rapport sur les impacts de la pandémie sur la santé et la qualité de vie des Québécoises, paru en novembre dernier. Prédominance des femmes dans les professions dites essentielles et dans le rôle de proche aidant, surexposition au risque d’infections, charge accrue des tâches familiales et domestiques, pertes de revenus et isolement sont des facteurs jouant un rôle important dans la détresse psychologique des femmes. En ce sens, trois femmes sur cinq ressentent que leur stress est plus important depuis le début de la crise sanitaire.

RISQUE DE VIOLENCE ET GRAVITÉ

Un sondage mené par Statistique Canada en début de pandémie révélait qu’une femme sur dix craignait de vivre de la violence familiale en contexte de confinement. En effet, plusieurs études démontrent qu’à grande échelle, une baisse de revenu et l’isolement social contribuent à une hausse de la violence conjugale. Parmi les femmes qui vivaient déjà de la violence, la moitié d’entre elles ont indiqué que la fréquence et la gravité se sont intensifiées depuis mars 2020 et que pour 43 % de ces ménages, la violence visait aussi les enfants.

Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale estime que la situation est extrêmement préoccupante. Les femmes se retrouvant parfois seules à la maison avec leur agresseur, coupées de leur soutien social et sommées de rester confinées, le regroupement craint une augmentation massive du nombre de victimes invisibles. Bien qu’il soit autorisé de fuir une situation de violence en tout temps et que les centres demeurent ouverts malgré la pandémie, une femme sur cinq rapporte qu’elle ne demande pas d’aide afin de suivre les recommandations de distanciation sociale de la santé publique. De plus, dans près de la moitié des cas, la présence continue du conjoint et l’absence de transport sont les causes prédominantes de l’absence de demande d’aide.

LA SITUATION TÉMISCABITIBIENNE

En septembre 2020, l’Observatoire de l’Abitibi-Témiscamingue publiait des données alarmantes sur la violence conjugale et sexuelle dans la région, le nombre de victimes étant nettement supérieur à celui de l’ensemble du Québec. Malgré cela, la MRC d’Abitibi-Ouest n’est pas desservie en matière d’hébergement. L’implantation du projet de maison d’hébergement l’Émeraude permettrait aux femmes d’Abitibi-Ouest de recevoir du soutien localement plutôt que de devoir se déplacer sur plus de 70 km. En 2019-2020 seulement, l’organisme Alternative pour elles, situé à Rouyn-Noranda, a recensé 161 demandes d’aide en provenance de ce secteur. Aussi, le centre de femmes lasarrois l’Érige, qui n’est pas en mesure d’offrir d’hébergement, a offert du soutien à 81 femmes victimes de violence conjugale.

En ce qui concerne les femmes autochtones, comme la plupart des femmes vivant de multiples oppressions, elles sont plus vulnérables à la détresse et sont surreprésentées dans les statistiques concernant la violence genrée. Alors que 23 % des femmes allochtones déclarent avoir un état de santé mentale précaire en raison de la pandémie, ce chiffre grimpe à 38 % chez les femmes autochtones. Malheureusement, le Regroupement des centres d’amitié autochtone du Québec signale que les femmes des Premières Nations sont réticentes à se tourner vers les services sociaux lorsqu’elles sont en détresse étant donné la méconnaissance de l’aide disponible, l’absence de services culturellement adaptés, la barrière de la langue et la crainte de vivre de la discrimination et du racisme. Cette réalité est préoccupante étant donné qu’une femme autochtone sur cinq a déclaré subir de la violence dans son foyer durant la première période de confinement.

En matière de violence sexuelle, le Point d’appui de Rouyn-Noranda a vu la demande d’aide baisser en début de pandémie, même si les besoins étaient encore présents. Plusieurs femmes ont déclaré avoir écarté leur besoin de soutien pour mieux répondre à l’augmentation de la charge familiale et domestique. L’incapacité de recevoir du soutien virtuel, expliqué d’une part par la couverture numérique déficiente en région rurale et d’autre part, par le manque de littératie informatique de plusieurs femmes, représente un défi de taille pour les survivantes de la MRC.

Puisque le deux tiers des agressions sexuelles sont commises sur des mineurs et que 85 % de ces agressions sont commises par une personne connue de la victime, l’organisme est particulièrement préoccupé par le vécu des adolescentes. Annuellement, l’organisme sensibilise plus de 2000 étudiants par le biais d’animations en classe sur le consentement. Cette prévention constitue la porte d’entrée principale pour les demandes d’aide des jeunes. La possibilité d’être ensuite rencontré sur les lieux d’études facilite cet échange en toute confidentialité. Or, l’impossibilité actuelle d’intégrer les classes et la difficulté qu’éprouvent les jeunes à nous contacter de la maison sont des enjeux majeurs. Effectivement, le Centre canadien de protection de l’enfance a rapporté que le nombre de signalements d’abus ou d’exploitation sexuelle sur des mineurs a augmenté de 81 % entre avril et juin. Par ailleurs, rappelons que le fait d’avoir vécu une agression sexuelle durant l’enfance est un facteur de risque important de revictimisation des jeunes dans leurs relations amoureuses, selon une étude de Hébert, Lavoie et Blais (2013).

L’AIDE DEMEURE DISPONIBLE

Bien que certains organismes de la région aient eu à adapter leurs services, le soutien demeure disponible. Afin que nous puissions aplanir cette autre courbe qu’est la violence faite aux femmes, partagez l’information autour de vous.

Pour trouver la ressource la plus près de chez vous, contactez ces numéros 24/7 et sans frais :

SOS Violence conjugale : 1 800 363-9010

La ligne-ressource pour les victimes d’agression sexuelle : 1 888 933-9007

Info-Social : 811