L’Abitibi-Témiscamingue. À l’époque, la Montréalaise d’origine que je suis y voyait le paradis du bois, des mines et des mouches noires. Le Zéro 8 était une contrée lointaine, séparée physiquement et psychologiquement par la réserve faunique de La Vérendrye. Un point isolé sur la carte de la Miss Météo à la fin du bulletin de nouvelles.

En janvier 2015, je m’y suis aventurée pour la première fois comme journaliste. J’y ai suivi un groupe métal du sud de la province qui tenait la tête d’affiche de la première édition des Quartiers d’hiver. Aussi, j’ai profité de l’occasion pour interviewer un des coauteurs d’une œuvre toute régionale, la maintenant célèbre encyclopédie L’Évolution du métal québécois.

Pour la première fois, je me rendais au-delà du 48e parallèle. J’y ai été accueillie par la chaleur humaine… et la froideur hivernale. À ma première visite, le Zéro 8 m’a fait les honneurs de ses -40 °C légendaires.

Grâce à la musique métal, j’ai tissé des liens avec l’Abitibi-Témiscamingue. À mon retour, quelques mois plus tard, j’y avais des amis dans une communauté petite, mais forte, une communauté centrée sur les Productions Ça Bûche, le porte-étendard de la musique qui fesse dans l’dash.

Puis il y a eu le Festival de musique émergente (FME) de septembre 2015. La journaliste culturelle que j’étais y a passé une semaine. J’ai non seulement baigné dans la musique, mais aussi dans une grande communauté. Sous le soleil, j’ai exploré la Capitale nationale du cuivre. J’ai goûté à ses bières, sa poutine et son café. J’ai arpenté ses rues, de l’UQAT à la Fonderie. J’ai prêté main-forte au festival. J’ai découvert tout le sens de « Fierté. Solidarité. Savoir. »

Quand je suis revenue à la maison, à Montréal, j’ai eu le blues. Le gros blues. Comment le combattre? En déménageant en Abitibi-Témiscamingue.

C’est comme ça qu’au printemps 2016 j’ai quitté la métropole pour Rouyn-Noranda. J’ai presque tout laissé sur l’Île, la famille, les amis, et mes biens. Tout ce que j’avais, c’était un lit, un meuble, mes vêtements et mes livres. Mais que pouvait faire une astrophysicienne et journaliste de formation dans la région? Repartir à zéro. C’était le temps de repenser ma carrière, de revoir ma vie et de surmonter de nouveaux défis.

Pourquoi? Pour l’amour du Zéro 8. Je suis une rare exilée de Montréal qui a choisi la vie dans la région, celle que mes parents appellent par erreur le « Grand Nord ». Parce que la vie est simple. Parce que les opportunités d’emploi sont excellentes. Parce que la forêt boréale est aux portes. Parce que les mines, c’est passionnant. Parce que l’Abitibi-Témiscamingue, c’est une communauté, de Val-d’Or à Normétal, de Rapide-Danseur à Senneterre, d’Amos à Rollet.

Aujourd’hui, ça fait trois ans que je suis à Rouyn-Noranda.

En quelques minutes et non plus en quelques heures, je peux aller me perdre dans le bois. Je peux marcher pendant des heures aux collines Kékéko pour me laisser emporter par les gazouillis des oiseaux. Ou entendre la neige craquer sous mes raquettes aux collines d’Alembert en respirant l’air frais de janvier. Ou encore, partir un bon feu et l’entendre crépiter sous les étoiles pendant les douces soirées d’été à Aiguebelle.

Se ressourcer dans la nature est non pas un luxe, mais un besoin que des centaines de milliers de personnes ne peuvent assouvir dans le sud de la province. En Abitibi-Témiscamingue, le bois, il fait partie de toi.

En sortant de la forêt, je peux m’immerger dans la musique. Les Productions Ça Bûche organisent toujours des évènements où la camaraderie est de mise. Et le best, c’est la Soirée métal au FME. On dirait que toute la région se donne le mot pour festoyer au son des blast beats et des gros riffs méchants, comme si ça lui coulait dans les veines. Et voir des artistes de calibre international performer loin des grands centres et tomber en amour avec la région comme moi, ça n’a pas de prix.

L’astrophysicienne et journaliste a aussi trouvé sa place avec une job stimulante dans une ville effervescente. Et la fille de Montréal a trouvé des amis et une famille. Tout ça grâce à la musique métal, bien vivante en Abitibi-Témiscamingue.


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