La 14e édition du Festival de contes et légendes de l’Abitibi-Témiscamingue s’est tenue du 9 au 14 mai dernier. Histoires, récits, musiques : les personnes qui ont assisté aux différents spectacles ont pu être transportées, le temps d’une soirée, dans différents univers. Afin de prolonger le plaisir, L’Indice bohémien vous offre la chance de relire le conte Le lion, la hyène et le singe, présenté par Marta Saenz de la Calzada, une habituée du festival et figure littéraire bien connue de Rouyn-Noranda.

 

Cette histoire du Cameroun se retrouve dans son livre Moi, ma mère me racontait, sous sa forme intégrale. 

Le lion, la hyène et le singe

par Marta Saenz de la Calzada

Les enfants adorent le moment où la maman allume une lampe tempête pour créer une ambiance propice au voyage dans la tête. Ils s’installent par terre et regardent les parents qui trônent dans le sofa. Et quand les enfants ont cessé de chahuter et que le silence est là, la mère dira les mots magiques :

— Toli, toli?

— Toli! Nous voulons une histoire! répondent les enfants en chœur.

— Une fois, il y avait un énorme et majestueux lion.

— Ce lion majestueux était tombé dans un puits profond. Il avait besoin d’aide.

— Au secours! Au secours! clame le père de sa grosse voix.

— Au secours! Au secours! reprennent les enfants en chœur.

— Ça faisait trois jours que le lion était dans le puits. Sa voix était devenue rauque, la faim le tenaillait. Il avait perdu pas mal de sa majesté, raconte maman. Tout à coup, une hyène passe près du puits.

— Les hyènes sont très bêtes, affirme Alex.

— Oui, et elles font un drôle de rire. Ha, ha, ha, ha, ricane Fred.

— Ha, ha, ha, ha, ricanent les filles.

— Quand le lion entend Neuko, la hyène, ricaner, poursuit la mère, il recommence à demander de l’aide.

— Au secours! Au secours, clame le père d’une voix rauque (il ne faut pas oublier que le lion a crié pendant trois jours…).

— Awoh? Qui est là? demande la hyène.

— Vendzui! C’est moi, le lion, le roi des animaux. Je suis tombé dans le puits et je ne peux pas sortir. Aide-moi, et je te récompenserai, rugit le lion.

— La hyène est naïve, raconte la mère, et croit tout ce que le lion dit. Alors, elle va chercher une longue corde, en met un bout entre ses dents et lance l’autre bout au lion : « Prends-le entre tes dents, comme moi. Je vais tirer de toutes mes forces, et je te sortirai du puits. »

Neuko, la hyène tire de toutes ses forces…

— Tire, tire, tire, crient les enfants en cœur.

— Et le lion sort du puits! Ha, ha, ha, ha, ricane la hyène toute contente.

— Ha, ha, ha, ha, ricanent les enfants.

— Merci, la hyène, rugit le lion, tu m’as sauvé la vie! Mais, je suis très fatigué, laisse-moi m’appuyer sur toi.

Neuko demande : « Quelle est ma récompense? Je t’ai sauvé la vie, je t’ai fait du bien! »

— Oui, tu as raison, dit le lion. Mais, j’ai trop faim, ça fait trois jours que je n’ai pas mangé. Si tu veux me faire du bien, tout le bien possible, il faut que tu me laisses te manger.

— Ah non! Conteste la hyène. Ce n’est pas ce qui était entendu. Ce n’est pas une récompense ça, je ne me laisserai pas manger.

— Elle ne ricane plus, la hyène, rigolent les enfants

Le lion et la hyène sont là, à s’obstiner, l’un préparant ses griffes, l’autre essayant de se sauver de l’étreinte du lion. Tout à coup, N’Kee, le singe passe par là.

– Le singe est intelligent et vif comme moi, dit l’ainé

— Je ne suis pas si sure de ça, le taquine la mère. Mais, tu peux faire le singe si tu veux. Que dit-il au lion et à la hyène?

— Que se passe-t-il ici? Pourquoi vous chamaillez-vous? dit le singe de sa plus belle voix.

— J’étais tombé dans un puits profond et, comme je ne pouvais pas en sortir, j’ai demandé de l’aide à la hyène.

— Je l’ai sorti du puits avec cette corde. Il m’avait promis une récompense, et maintenant, il veut me manger sous prétexte qu’il a faim.

— Elle a dit qu’elle m’avait fait du bien. Mais le bien, il faut le faire jusqu’au bout : elle doit donc se laisser manger, insiste le lion.

— Tu vois, N’Kee, le singe? Ce lion a beau être le roi des animaux, il n’est pas correct, il ne respecte pas sa parole, dit la hyène indignée.

—  Je ne peux pas vous croire, ni l’un ni l’autre, affirme l’enfant-singe, qui prend son rôle très au sérieux.

— Comment ça? disent en cœur le lion, la hyène et les enfants.

— Eh bien, je ne pense pas que toi, la hyène, si petite et frêle, aies pu sortir le majestueux et fort lion du puits avec cette corde.

— C’est pourtant vrai, affirment les deux animaux

— Il faudrait me montrer, si vous voulez que je vous croie. Alors, on va recommencer. Toi, Vendzui, rentre dans le puits. Toi, la hyène, tu prendras alors la corde et le sortiras du puits. Alors, je pourrais vous croire, commande le singe.

Et le lion de sauter dans le puits! La hyène fait « Ha, ha, ha, ha » et va chercher la corde pour sortir Vendzui du puits. Mais, à ce moment-là, le singe lui dit :

—  Allez, Neuko, tu es trop naïve! Laisse Vendzui où il est, et tu seras sure de ne pas te faire manger!

— Ha, ha, ha, ha, rigole l’auditoire en chœur.

— Toli, toli? demande maman.

— Toli! rétorquent les enfants.

— Que retenez-vous de cette histoire? demande le père

— Il ne faut pas croire tout ce que les gens promettent, répondent les enfants.