Professeure au département de cinéma au cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, Beatriz Mediavilla a grandi avec des maîtres. Son père enseignait la physique, sa mère les mathématiques. Ses parents, d’origine espagnole, sont arrivés en Abitibi en 1969, mais s’il y avait des livres dans leurs valises, ils ont aussi transporté avec eux des bagages d’histoires et un amour pour l’art et la culture.
 
Comme plusieurs autres immigrants avant eux, les parents de Beatriz Mediavilla ont emménagé dans les terres abitibiennes pour y fonder leur avenir.
 
« Mes parents sont venus à Rouyn parce qu’il y avait du travail », a résumé Beatriz, née trois ans
après leur arrivée.
 
Son père a noué rapidement avec la forêt et le bois, sa mère, de son côté, a tôt fait de se trouver aussi un pendant à son esprit cartésien dans la littérature et le conte. C’est d’ailleurs un ancrage si profond qu’on imagine mal les racines carrées et la trigonométrie en pensant à Marta Saëns de la Calzada, artiste bien connue en Abitibi.
 
Ainsi exposée dès l’enfance à la culture et à l’enseignement, Beatriz a eu le loisir d’apprivoiser et comme plusieurs enfants, elle s’est frottée à diverses disciplines.
 
« Judo, natation, soccer… je n’avais pas de talent. Mais quand j’ai tenté la danse, j’ai senti que c’était un oui! »
 
Elle avait aussi apprivoisé l’écriture, mais c’est en cinéma qu’elle poursuit sa formation universitaire et qu’elle emprunte la voie de l’enseignement. Très jeune, elle obtient une charge decours. Les possibilités étaient là, elle n’a eu qu’à les saisir et elle l’a fait.
 
« Enseigner, c’est aussi créer», dit-elle. « Et puis, on n’est pas qu’artiste ou professeur. Une personne aplusieurs facettes, c’est ce qui alimente la richesse humaine. Sur l’ensemble d’une vie, on ne peut se résumer à une chose »
 
L’équilibre s’est néanmoins rompu en 2005. Mère de deux enfants âgés de 3 ans et un an, son conjoint est décédé subitement, ce qui a bouleversé l’ordre établi.
 
« C’est comme si la maison qu’on habite se déconstruit et qu’il faut relever les murs. Quand des événements marquants comme ceux-là se produisent, ils forcent une remise en question », confie Mme Mediavilla.
 
Dans cette tranchée qui l’a isolée un moment, la cinéaste a puisé ce qu’il lui fallait pour canaliser le mouvement qui lui permettrait de retrouver une voie.
 
« Les gens changeaient de trottoir pour ne pas me parler, pour ne pas me poser la question «comment ça va ? », parce qu’il était clair que ça n’allait pas. Et je me suis dit, mon Dieu que c’est particulier d’avoir si peur de la mort », raconte-t-elle.
 
C’est dans cet esprit qu’est né son projet « Ce qu’il en reste ». Un concept collectif qui n’avait pas pour objectif de parler de sa douleur, mais plutôt d’aller à la rencontre des gens. Ce projet sur la mort lui a amené une forme de révélation. « J’ai vu comment il est possible d’amener les gens à parler de toute sortes de sujets avec ou grâce à l’art ».
 
Beatriz Mediavilla a aussi renoué avec la danse, puis, avec le cinéma et l’écriture, elle combine les forces de chacune de ces avenues dans une valse de création où les forces de chacune de ces disciplines se complètent et avec lesquelles elle se permet de jouer.
 
En 2014, elle a signé le documentaire « Danse avec elles »,inspirée par l’approche de la chorégraphe Lynn Vaillancourt. C’est que la danse touche toujours une fibre chez elle et continue de la fasciner.
 
Elle soutient d’ailleurs que la danse est vraie parce que le corps ne ment pas, alors que le cinéma est savamment planifié et consiste en une suite de choix. Choix de plans , d’angles de caméra, choix de scènes au montage, alors que la danse c’est le mouvement du corps, c’est ce qui s’exprime dans le mouvement.
 
« Mais évidemment, il existe plusieurs vérités dans toute choses et tout humain », reconnaîtra-t-elle.
 
Quant à ses étudiants, elle s’efforce de faire plus que transmettre des notions. Bien sûr, il y a la matière, mais il y a aussi un rapport à développer.
 
« Pour s’attacher à une matière, il faut s’y attacher, il faut y goûter, il faut se battre pour elle », explique-t-elle, muée par cette envie du dépassement et par une volonté d’épouser ce qui est complexe plutôt qu’adopter ce qui est uniforme.
 

Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.