À l’automne 1991, on soulignait le 10e anniversaire du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue en présentant une exposition sur l’histoire des salles de cinéma en région, qui mettait principalement en évidence celle des « théâtres » qui ont existé dans les villes sœurs. C’est à partir de données issues de Statistique Canada que nous avons pu alors prendre conscience du phénoménal engouement des citoyens de ces villes pour le cinéma.

 

7 salles de cinéma

 

Dès 1925, alors que Rouyn ne comportait que quelques bâtiments et où les rues n’existaient pratiquement que sur papier, un premier cinéma est construit,The Regal Theater. Dans les tout débuts, mis à part la projection de films, diverses activités s’y tenaient : des pièces de théâtre (le vrai), des assemblées politiques, des réunions de toutes sortes, des « shows » de variété et même des messes.

 

En 1927, le Princess Theatre ouvre ses portes tout près du Regal sur la rue Perreault. Ce cinéma n’opérera que 2 ans, tout signe d’activité cessant vers la fin de 1929. C’est d’ailleurs en avril de cette même année que le Regal présentera le premier film parlant en ville, Wings, qui remportera le prix du meilleur film à la toute première cérémonie des Oscarstenueen mai 1929. C’est aussi au Regal, adoptant plus tard le nom de Lido, que seront présentés les premiers films en français en 1938. Finalement, ce cinéma se nommera ThéâtreRouyn jusqu’à sa fermeture, en 1981.

 

L’année 1930 verra l’apparition de deux nouveaux cinémas, le Noranda, sur la rue Murdoch, et l’Alexander, sur la rue Principale. Notons que c’est au Noranda que le cinéaste André Mélançon a eu, de son propre aveu, la piqûre du cinéma après avoir visionné l’excellent 8 ½de Federico Fellini!

 

Quant au cinéma Capitol, il ouvrira ses portes en 1938 sur la rue Principale, ajoutant ainsi une quatrième salle et 700 sièges de plus. Un cinéma luxueux pour l’époque, avec balcon. Puis c’est l’arrivée du Paramount en 1948 sur la rue Gamble, faisant partie de la chaîne Famous Players, tout comme le Capitol. Finalement, en 1950, M. Jim Gauthier inaugure le théâtre Montcalm sur la rue Larivière. Il n’y présentera que des films en français.

 

La passion du cinéma en chiffres

 

En 1949, alors que les 5 salles en activité offrent plus de 2 800 sièges, on évalue le nombre total d’entrées à près de 760 000, soit plus de 2 100 entrées par jour, alors que la population des villes sœurs ne compte que 22 000 personnes. Ainsi, il est plus que probable qu’une majorité de gens, jeunes et adultes, vont aux « vues » au moins une ou deux fois par semaine.

 

Au début des années 50, avec 6 salles de cinéma en activité, les villes jumelles compteront plus d’établissements en leur sein que des villes beaucoup plus populeuses comme Sherbrooke, Trois-Rivières, Hull ou Verdun. En 1952, on y dénombre plus de 3 200 sièges pour une population de près de 24 000 âmes. Ça représente environ un cinéma pour 4 000 personnes. Notons que chacun de ces cinémas projetait en moyenne plus de 30 longs métrages différents dans des programmes doubles, triples et même quadruples.

 

Qu’est-ce qui explique cette spectaculaire ferveur pour le cinéma?

 

Difficile d’en cerner toutes les causes, mais il est certain que dans un contexte d’éloignement, d’isolement et de manque d’activités variées (à l’époque), le cinéma représentait un divertissement accessible, offrant une programmation attrayante pour tous. Il ne faut pas oublier que le cinéma a toujours eu cette capacité « universelle » d’envoûtement, d’identification et de défoulement. Il est aussi concevable que se soit développée conséquemment une sorte de tradition dans la fréquentation des cinémas, une sorte de rituel social.

 

Le déclin des salles

 

L’arrivée de la télévision en région en 1957 va donner un coup fatal aux salles de cinéma. De 706 950 entrées en 1957, on passe à 476 770 un an plus tard. L’Alexander fermera ses portes en 1962, suivi du Noranda cinq ans plus tard. Autre coup dur au milieu des années 70 : l’arrivée des magnétoscopes et de la location de films. Même en présentant des programmes érotiques pour attirer la clientèle, le Montcalm déclare forfait en 1978 et le Rouyn en 1981. Quant au Capitol, il sera totalement détruit par un incendie, toujours en 1981. Seul le Paramount survivra à ces bouleversements, dont la salle de la rue Gamble ferme en 1996 alors qu’émerge un nouveau complexe comportant cinq salles modernes et bien équipées, toujours sous la même enseigne.

 

Vous êtes curieux de repérer les lieux de ces anciens cinémas?

 

  • Sur la rue Gamble, la salle du Paramount, avec sa vénérable marquise, existe toujours, mais a changé de propriétaire et de vocation pour devenir une salle multifonctionnelle, la Scène Paramount. 
  • Les portes d’entrée du Noranda étaient situées dans l’édifice Place minière, juste à côté du restaurant Subway, sur la rue Murdoch. À l’arrière du bâtiment, la vieille salle a été rasée il y a quelques années pour en faire des espaces de stationnement.
  • L’Alexander, sur la Principale, a laissé place historiquement à plusieurs commerces, dont la célèbre taverne Au Gobelet et, plus récemment, à Éclairage etc. et à La Coiffeuse. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la salle de projection de l’Alexander, située dans la partie supérieure de l’édifice, existe toujours avec ses vieux projecteurs, sa console de son, son « follow spot » et un dernier exemplaire de ses sièges!
  • Sur la rue Larivière, le Montcalm, après avoir hébergé longtemps un dépanneur, abrite entre autres le centre de santé dentaire Busque et Tremblay.
  • Sur la rue Perreault, La Hutte aux Herbes occupe l’ancien Princess Theater.
  • À sa fermeture, le cinéma Rouyn s’est transformé en discothèque, la Disco Rouge, puis en bar, le Parachute Pub, qui a été la proie des flammes en 1990. Le terrain sert actuellement de stationnement près du restaurant Le Saint-Exupéry.
  • Quant au Capitol, il était situé sur la Principale, juste à côté du Dépanneur Centre-Ville (ancien hôtel Windsor). Bonne visite! \

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