Rita Morneau travaille dans l’ombre, sans chercher ni les honneurs, ni la reconnaissance. Aujourd’hui, elle accepte de lever le voile sur l’art qu’elle pratique avec une discrétion absolue : la dentelle au fuseau.


Vers l’âge de 5 ou 6 ans, madame Morneau s’initie au crochet, au tricot, à la broderie, guidée par sa mère, sa grande inspiration. Avec elle, déjà rompue à ces techniques, elle développe le goût du travail du fil mais aussi la rigueur essentielle à ces travaux. Merci maman Bérangère, dit-elle.


Puis, l’artisane Andrée-Anne de Sève, entrevue à la télévision au cours des années 60, fixe les premiers jalons d’un rêve qu’elle concrétisera en 1999: l’exécution de la dentelle au fuseau. Dès lors, elle multiplie les formations avec des spécialistes du Québec. Puis, en 2010 et en 2011, elle se rend en Belgique, cette « école universelle de dentelle », pour parfaire son art, accompagnée de dentellières venues de nombreux pays.


Le regard de madame Morneau s’illumine quand elle raconte la dentelle. Chacune des techniques qu’elle maîtrise porte un nom venu d’ailleurs et fait rêver. Le Bucks, le Fleuri de Craponne, la Maline, le Chinay, le Wezelse, la dentelle Torchon, la dentelle au gallon ou le Fin Fleuri de Bruges, toutes ont une place particulière pour elle. Mais c’est entre le Flandre et le Binche que son cœur balance.
Mais pourquoi la dentelle au fuseau? Qu’est-ce qui pousse cette enseignante de mathématiques retraitée vers des livres et des dessins techniques souvent rédigés en langue étrangère? À jouer avec d’innombrables épingles, à choisir des fils de lin, de soie ou de coton importés, tous plus fins les uns que les autres? Outre l’investissement de matériel assez important, la dentelle au fuseau, d’une finesse à nulle autre pareille, requiert patience, dextérité, concentration, capacité à lire des devis techniques. Mais pourquoi s’y consacrer?


C’est la passion du travail bien fait qui anime Rita Morneau. C’est aussi le plaisir de sortir une dentelle de l’ombre, mais le bonheur du long chemin qui l’y a menée importe aussi. Quand je plonge dans la dentelle, dit-elle, j’oublie les problèmes de la vie. Et puis, elle contribue à perpétuer un art séculaire. Cet art jadis réservé aux rois se démocratise grâce à des dentellières comme Rita et ses compagnes.


Des projets pour elle? Mais oui! Elle veut produire de plus en plus pour combler ses proches et entend continuer sa formation pour développer une plus grande maîtrise du Puy-en-Velay et du Bayeux. Elle souhaite aussi apprendre d’autres techniques, particulièrement celle de la dentelle Chantilly, la seule pouvant être exécutée avec du fil noir.
Vous l’avez bien compris, madame Morneau produit passionnément, sans attendre quoi que ce soit. Ainsi, elle ne fera des expositions que sur demande tout en accordant la priorité à son art. Mais si vous avez la chance de croiser cette artiste hors du commun, dites-lui donc que vous la connaissez mieux maintenant… Et puis, elle accepte les compliments en toute modestie!\


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