Ses yeux m’ont dévisagé pendant quelques secondes. Je venais de lui dire que ma compagne et moi voulions aller « dans le sud » pendant les fêtes. Mon interlocuteur n’avait simplement pas compris mon allusion, car, pour moi, le « sud », c’est celui de la province. Il ne m’est jamais venu à l’idée de m’éloigner de l’hiver. Il rime avec tant et tant pour moi. Les images tombent en rafale dans mon esprit…

Un feu, lorsqu’il fait nuit noire, et le son de la glace qui fond sur les pierres chaudes.

Se perdre dans une tempête, puis s’y retrouver. Pousser des semblables embourbées… À deux, à trois, à quatre ou bien plus, pousser jusqu’à perdre espoir et réussir à s’en sortir. Marcher sur des neiges dures, molles ou folles. Savourer le glaçon qui pend à une branche d’épinette.

Bâtir des forts. Se lancer des balles de neige. Descendre les côtes en traineaux ou en riant, ou les deux. Construire des igloos. Faire des anges le long de tous les chemins. Patiner sur les rivières, les lacs et les flaques. Entendre la demeure craquer à moins quarante degrés. Se coller les uns et les unes aux autres pendant une panne d’électricité. Se coller sans panne d’électricité.

Laisser le vent effacer nos traces sans perdre la mémoire. Le voir prendre forme, comprendre ses mouvements. Le saisir, souffler et virevolter. Garder la tête froide en sachant où l’on va, où l’on veut aller.

Admirer les haleines blanches et vivantes. Ouvrir la bouche, chanter et croquer dans les flocons. Sentir ses dents refroidir puis sourire.

Taper une trail. Dégager une voie. Pelleter en gang pour ouvrir tous les passages. Avoir froid, avoir très froid, puis apprécier la main qui ose te toucher. Se mettre au chaud. Écouter la neige tomber, surprendre le vent, encore lui, sculpter les congères. Observer, pendant une marche en forêt, les arbres qui neigeotent. Avoir les joues rouges.

Il s’agissait, ici, pour moi, de faire une parenthèse, d’oublier le reste, pour concentrer nos regards sur cet hiver qui naît, qui est. On a tout le temps, après l’instant d’une chronique, de revenir au reste si accaparant, si urgent…

En fin de compte, ma compagne et moi avons décidé de ne plus aller dans le sud, de ne pas traverser le parc, de ne pas bouger, ou si peu. On va demeurer ici, pour l’hiver qui vient, au Témiscamingue et en Abitibi avec nous, avec vous.

Le reste, on le vivra ensemble.


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