Il faudra apprendre à vivre autrement, du moins pendant un temps. 13 mai. Le déconfinement est commencé. Ce sera une opération mille fois plus longue et complexe que le confinement. Une machine s’arrête facilement. La repartir peut-être plus difficile. Surtout qu’à la mi-mars, pour convaincre et réussir, Legault et Arruda ont tellement fait craindre le pire qu’il faudra du temps avant de déconstruire tout ce discours du début, surtout avec tous ces épidémiologistes du dimanche qui y vont de leurs théories et de leurs conclusions sur les réseaux sociaux. Mais il fallait recommencer à vivre, à travailler, à sortir, à envoyer les plus jeunes à l’école. L’économie est au sol, il faut lui redonner rapidement un souffle, malgré les craintes et les doutes.

Legault et le gouvernement jonglent avec des centaines de problèmes en même temps. Pierre Mendès-France, président du conseil français en 1953, disait : « Gouverner, c’est choisir, si difficiles que soient les choix ». Santé? Économie? Les deux vont de pair aussi. On ne peut satisfaire tout le monde, on ne peut prendre en considération chaque cas particulier, chaque histoire personnelle.

Revenons au 25 mars dernier. Il semble que ça fait un siècle. Le premier ministre lançait peut-être son plus beau message, le plus porteur, mais aussi le plus lourd de sens : « Les Québécois forment une armée de 8 millions et demi pour combattre le virus. Nous sommes en train de livrer la plus grande bataille collective de notre vie. Dans 50 ans, nos enfants raconteront comment le peuple québécois était uni et comment, ensemble, on a gagné la bataille de notre vie! »

Legault utilise des mots forts : armée, bataille. Il utilise des mots rassembleurs : le collectif, le peuple uni, gagner ensemble. On doit donc se battre pour l’emporter. Mais une bataille ne se gagne pas dans son salon, devant Netflix. Une bataille ne se gagne pas en découvrant de nouveaux vins. Une bataille ne se gagne pas en faisant deux promenades par jour. Les chèques de Trudeau ne dureront pas toujours. Une bataille se gagne en se levant, en restant debout, en fonçant, chargés quand même de ses inquiétudes et de ses appréhensions. Comme le font depuis le début les préposées aux bénéficiaires, les infirmiers et infirmières, les commis, les livreuses et livreurs, les policières et policiers et les ambulancières et ambulanciers, sans qui nous serions dans une situation plus grave encore. Comme le font les profs du primaire depuis une semaine.

Nous vaincrons. Nous sommes un peuple résilient. Nous aurions dû nous effondrer cent fois! Nous avons traversé les hivers de la Nouvelle-France, la Conquête des Britanniques et les projets d’assimilation, la défaite des Patriotes, notre soumission à l’Église et au patronat étranger. Nous sommes restés bien ancrés sur notre terre, nous avons combattu, nous avons construit. Le beau temps arrive enfin! Nous en sortirons plus forts, plus solidaires, plus confiants. Il le faut. Sinon, tout ça sera arrivé pour rien.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.