Saviez-vous qu’il est possible de se constituer un pouvoir politique sans pour autant avoir à se présenter lors d’une élection? Imaginons que vous êtes un industriel de la région et que vous cherchez à devenir un acteur politique influent. Une manière de vous y prendre serait d’élaborer un programme de dons et commandites servant vos intérêts.

Votre programme de dons et commandites doit être autant rentable politiquement que financièrement.

L’avantage des commandites est que votre industrie recevra une reconnaissance pour celles-ci. En échange d’une commandite, vous pouvez exiger une publicité ainsi que de la promotion pour votre entreprise.En procédant de cette manière, en plus de se draper de bonne volonté, votre entreprise imposera sa présence dans les médias, l’espace public et le paysage régional, de sorte que les citoyens et citoyennes considéreront votre entreprise au-delà de son rôle premier, soit celui de faire fructifier votre marge de profits et d’accroître les dividendes versés aux actionnaires.

Les dons vous permettent de financer une multitude de causes, d’organismes, chaires de recherches et autres. Plus discrets et moins coûteux, ceux-ci vous permettent d’imposer la présence de votre entreprise aux autres sphères sociales en manque de financement, tout en vous assurant de peut-être vous faire renvoyer l’ascenseur au moment opportun.

Au total, en comparaison avec votre chiffre d’affaire ou les redevances que vous pourriez normalement payer, votre programme ne doit correspondre qu’à des miettes, l’objectif étant plutôt d’être minimalement présent dans une multitude de lieux. C’est ainsi que vous deviendrez politiquement rentable.

Imposez votre présence dans des domaines d’intervention autrefois réservés à l’État

Travaillez à répandre l’idée selon laquelle votre entreprise ne pourrait supporter que l’État lui exige une plus grande contribution fiscale, sans quoi votre entreprise devrait disparaître. Ainsi, les gouvernements , en manque de moyens pour assumer ses missions fondamentales, devront se tourner vers du financement privé pour assurer la pérennité des institutions scolaires, du système de santé, des évènements culturels et autres. Gardez en tête que le sous-financement public de ces secteurs et les politiques d’austérité qui en découle sont vos alliés.

D’ailleurs, en Santé, notre région n’est pas épargnée. Au contraire, nous apprenions en juillet 2015 que notre système de santé allait subir des compressions à la hauteur de 16 millions $. C’est ici qu’intervient votre programme. Votre entreprise devra prendre d’assaut cette brèche et imposer votre présence dans ces secteurs sous-financés. N’hésitez surtout pas à vous investir dans des institutions publiques ou dans des lieux publics, comme dans une école secondaire ou dans un marché public, manifestez-vous.

Imposez des conditions restrictives sur le plan politique dans votre programme;

Bien évidemment, le groupe qui voudra recevoir du financement devra afficher une visibilité reflétant une image positive de l’industrie que vous représentez. Seront exclus de votre programme: 1- un organisme défendant une cause politique. 2- toutes activités ou groupes visant à influencer des mesures liées à certaines lois. 3- les partis politiques.

C’est en grande partie au travers ces trois points que votre pouvoir politique émerge. À première vue, les points 1 et 2 laissent croire que vous ne voulez pas faire de politique en supportant des groupes qui eux en feraient ouvertement. Bien sur, l’attribution sous ces conditions de votre support financier vous pose en position politique dominante. En effet, vous pouvez déterminer de manière arbitraire ce qui est politique et ce qui ne l’est pas, et d’un autre côté vous vous assurez que les groupes financés, s’ils souhaitent toujours recevoir de votre financement, se rangent du côté des lois avantageant votre industrie. La formule est simple: tâchez de plaire pour faire taire.

Concernant le point 3, celui-ci rejoint l’idée générale de ce texte, soit de ne pas s’afficher publiquement pour un parti ou pour un autre. Investir dans la politique partisane pourrait vous mettre à dos une partie de la population. Un programme comme celui-ci doit vous permettre d’avoir une influence politique tout en cachant cette volonté qu’a votre entreprise d’être plus qu’un simple acteur économique.

Maintenant, ici même en région, n’y aurait-il pas déjà des entreprises qui utiliseraient ce type de stratagèmes sur  lesquels vous pourriez vous inspirez?

UN MOT SUR LA DÉMARCHE

Dans son sens toponymique commun, le terme Abitibi désignerait l’endroit où les eaux se séparent. « Malgré la route qui nous sépare » est un projet qui convie à un exercice littéraire des personnes originaires de l’Abitibi-Témiscamingue, ou qui y sont fortement attachées, qui y transitent occasionnellement, mais qui, en somme, résident ailleurs que dans la région. Le but de ce regroupement vise à créer et à diffuser des textes ou autres formes de créations portant sur des enjeux régionaux. En effet, nous souhaitons contribuer à stimuler le débat public ainsi que la participation populaire aux diverses décisions et réalités (politiques, économiques, écologiques, sociales, etc.) qui influencent le cours de la vie en région.

En collaboration avec L’Indice bohémien, nous vous proposons ainsi une série d’écrits qui se retrouveront périodiquement dans la version papier de la revue culturelle ainsi que sur la plate-forme web. Nous croyons que ce qui devrait nous séparer des réalités régionales, ne devrait être, en effet, qu’une route. Par l’entremise de ce projet, nous souhaitons affirmer activement notre engagement envers l’Abitibi-Témiscamingue.

Dans un esprit de dialogue, nous vous invitons à réagir et à partager vos commentaires et réflexions suite à la lecture des textes. Pour se faire, vous pouvez nous en faire part via l’adresse courriel suivante : laoularoutenoussepare@gmail.com


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