En 1959, Normétal était à son apogée, comptant plus de 3 000 habitants et un marché de l’emploi prospère grâce à une mine où reposait une forte quantité d’or, d’argent, de cuivre et de zinc. Les jours se suivent, mais ne se ressemblent pas. Regard sur un microcosme mono-industriel.

Gilles Groulx (Les Raquetteurs, Le Chat dans le sac) réalise en 1959 Normétal, un documentaire commandé par l’ONF, en partenariat avec la Normetal Mining Corporation et United Steelworkers of America, connu aujourd’hui sous le nom de syndicat des Métallos. Le court-métrage décortique d’un point de vue social les particularités de Normétal et l’impact du mode de vie minier sur le quotidien normétalien. Le narrateur le dit lui-même : « C’est un village comme bien d’autres, mais ceux qui l’habitent savent qu’il cache un autre univers, un monde obscur et difficile où les hommes s’affairent sans relâche. » Les quarts de travail sont les battements de cœur de cette société. Tout dans le village semble être relié aux mines, du rythme de vie des adultes à l’éducation et aux préoccupations des enfants. On comprend qu’à l’époque, le milieu minier fascinait et formait à lui seul un excellent sujet de documentaire. De voir des gars descendre en ascenseur jusqu’aux entrailles de la Terre, dans une obscurité absolue, et d’en ressortir avec le sourire était invraisemblable. On était alors loin de la grève des Fros des années 1930. De plus, c’était l’ère des villes-entreprises, où la société minière était propriétaire du lot où le village était bâti.

On est ici plongés dans un univers purement masculin, bien que le film se veuille une immersion dans une société particulière. Les gars descendent, les gars travaillent, les gars paient leur cotisation syndicale. On aurait bien pu voir dans une version plus longue comment les femmes s’organisent entre elles et par quelles tâches elles occupent leurs journées pendant que leurs hommes dynamitent le sous-sol.

 

Dans les dix-sept minutes qui composent le film, on ne s’attarde pas sur les détails, le propos se fait en surface et on espérerait en apprendre davantage sur les conditions de travail du mineur. L’histoire veut que Gilles Groulx ait monté un film d’une quarantaine de minutes et que l’ONF en ait coupé les deux tiers, ce qui poussa Groulx à refuser de signer son œuvre et à écrire un plaidoyer en faveur d’une politique de protection des auteurs afin que l’ONF ne devienne pas « un simple instrument de propagande fédéraliste ». Reste que Groulx ne cherchait même pas à faire un film engagé ni à dénoncer les mauvaises conditions de travail; pour dresser le portrait d’une ville, dix-sept minutes ne sont que trop peu.

Normétal demeure pertinent par son montage efficace qui nous emmène parmi les mineurs jusqu’à 300 mètres sous terre. Les lieux choisis sont souvent des endroits de tournage difficile au niveau de la lumière, mais se prêtent à des portraits clairs-obscurs et l’œil méticuleux de Michel Brault a su leur faire honneur.

Normétal est disponible en visionnement gratuit sur onf.ca. \


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