S’il y a une chose qu’on apprend sur le Nord avec un grand N, c’est qu’il s’agit du premier endroit qui vient en tête des personnages de films fuyant la justice. C’est peut-être notre Mexique à nous, qui avons vu notre frontière maintes fois personnifiée au cinéma, la dernière étape avant la liberté. Suffit de remplacer les voitures du FBI par celles de la GRC et les sombreros par des casques de skidoo.


Pour son premier long métrage, Denis Côté, qui revient tout juste de la Berlinale où il se trouvait en compétition avec Vic+Flo ont vu un ours (2013), a opté pour le genre du docu-fiction afin de tracer les portraits d’une localité qui pique la curiosité, Radisson, et d’un personnage en exil. Les états nordiques (2005) est un vague questionnement sur la mort assistée, campé dans le surréalisme de la Baie-James.


Les premières minutes du film forgent notre empathie envers le personnage de Christian : confiné à son domicile, il est hanté par le bruit incessant de la machine qui tient sa mère en vie. Son plan est plutôt simpliste et voué à l’échec : il débranche tout et se pousse au nord avec une voiture louée jusqu’à ce que la radio perde le signal.


C’est alors que s’opère une brisure au niveau esthétique, l’univers glauque et hermétique dans lequel Côté nous avait plongé s’entrebâille pour nous laisser apercevoir la jovialité des Radissonniens. L’audace du film relève alors du casting, le réalisateur ayant choisi de tourner avec le monde de la place dans leur propre rôle. C’est d’ailleurs ici que le documentaire se joint à la fiction. Parfois charmants, parfois malhabiles, ces non-acteurs ajoutent une couche de réalisme intéressante, et ce, lorsqu’ils n’ont pas l’air de réciter un texte appris juste avant la prise.


Le premier arrêt de Christian se fait à la chapelle de Radisson, où il est mis en contact avec l’aspect intemporel du village. Le curé lui fait savoir que le cimetière n’est pas encore aménagé, comme si les humains étaient immortels à Radisson. Par la suite, par l’entremise du personnage principal, on en apprend un peu sur la localité. Il faut bien dire un peu, puisque chaque sujet est à peine effleuré. On se fait une image romantique de ce lieu, comme un espace totalement déconnecté de la réalité promettant la rédemption après un chemin de croix de 1 350 km.


La thématique du film Les états nordiques est bien actuelle, les problématiques de l’euthanasie et de l’aide au suicide seront probablement encadrées par un nouveau projet de loi cet été. Le bémol est que ce sujet, extrêmement lourd et délicat, sert de prétexte pour aller filmer l’exotisme ambigu de Radisson. On laisse à un groupe d’élèves du secondaire la seule scène où les problèmes éthiques du suicide assisté sont abordés de front. Leur éloquence est juste, mais à aucun autre moment le personnage n’est confronté à son geste, ce qui laisse un grand vide au cœur du récit.


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