Comme elle est douce cette saison. Comme elles sont belles ces migrations d’êtres libres manifestant leur présence dans le ciel. Ce ciel que nous regardons enfin!


L’hiver fut si long qu’il parut parfois éternel… Beaucoup ont cessé de croire en eux et se sont mis à contrat pour se rassurer. Plusieurs ont perdu foi en nous…


D’autres ont gardé espoir, dormant à même la glace et faisant bravement face aux mauvais vents. Ces femmes, ces hommes semèrent, au hasard des rencontres, des graines à la volée. Seul, l’instinct les guidait… Cette mouvance dispersée, exilée au sein de son propre peuple, s’imaginait de magnifiques récoltes. Elle répandait ses rêves sans gêne malgré la froidure du climat social, les moqueries des esprits figés dans l’air du temps et la peur de se montrer, fragiles et nus… tel que nous sommes.


Nous nous collions les uns les unes aux autres pour nous éviter la mort. L’envie d’objets inutiles ne parvenait pas à faire bronzer notre humanité. Nous nous disions sans cesse que les choses changeraient, peut-être après nous… sûrement… que le glacis fondrait, le printemps reviendrait et les semences, enfouies dans notre pays inconscient, germeraient. Nous ne savions pas comment ni quand cela arriverait. Nous traversions des nuits entières à en inventer les scénarios pour nous garder éveillés, pour fuir ces sillons déjà tracés dans lesquels on voulait tous nous enfouir…


Et voilà que ça se passe! La parole s’exprime, la confiance vit et les herbes folles envahissent l’ordre bien entretenu des jardins de Sagard… Notre nature en éveil nous dépasse, personne n’arrive à saisir ce qui nous arrive. Nous sommes nous : les rivières sortent de leur lit, les bâillements se taisent et l’ennui se noie dans notre débâcle.


C’est le printemps, camarades! Ceux qui n’y croient pas doivent sortir de leur dormance, se tourner vers nos soleils, voir à l’horizon et se laisser fleurir. Ça débourre de partout!!! Nos racines s’agrippent au passé colonisé pour ne plus l’oublier, nos feuilles se touchent et bruissent au son des casseroles, le pollen s’étend à tous vents : autour des feux de camps, dans les maisons, les écoles, sur les lieux de travail, dans les foules, sur les scènes, dans la rue, sur la plage….
Plongeons dans nos décors, laissons l’eau couler sur nos corps et verdir nos êtres. Nous serons insaisissables comme l’air, visibles et souples comme les nuages. Nous balaierons les châteaux de cartes de crédit. Nous ferons ombre aux idées toutes faites qui emprisonnent nos vies.


C’est notre saison! Maintenant!


Il se peut qu’on fasse tout pour nous mettre en rang dans les champs, qu’on veuille nous arracher comme la mauvaise herbe et, surtout, qu’on se serve de la peur pour faucher nos idées verdoyantes. Ça sera sans effet. On ne peut tenir dans le mensonge et le mépris un peuple en éveil.


Nous prendrons notre temps sans le compter. Nous occuperons tous nos terrains. Nous nous cultiverons ensemble. Et nous vivrons!!!
Bonne saison, camarades!


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