L’été qui arrive, c’est aussi la fin de l’année scolaire. Et celle qui se termine fut horrible. Une annus horribilus. En latin, ça fait plus terrible encore. Une année marquée par cette grève étudiante devenue historique, des manifestations monstres, du saccage et de la violence aussi, malheureusement. Bien des choses se sont dites, des belles, des vraies et des moins belles, des gros mots aussi.


On aura qualifié des manifestants de « terroristes ». C’est un gros mot, ça. On peut dénoncer la casse : vitres brisées, poubelles incendiées, pétard fumigène dans le métro. Mais qui, aujourd’hui, se sent terrorisé? Qui n’ose plus sortir, même le soir? Il y a eu des casseurs, ce n’était pas joli, je le dénonce, et ça laisse un drôle de goût en bouche. Mais on est loin des drames qui peuvent se passer ailleurs. Montréal n’est pas devenue Londres, ni Madrid.


On aura dit que les étudiants doivent faire leur « juste part ». Charest l’a dit, avec des trémolos dans la voix. C’est un gros mot, mais c’est surtout un mot vide, creux. C’est abstrait. Depuis 10 ans, ce gouvernement augmente tous les tarifs : Hydro, permis, CPE, taxe-santé. Du mur à mur, la même hausse pour tous, les Desmarais comme les prolétaires. Et voilà qu’en 2012, un groupe doit contribuer plus. J’espère qu’on en demandera autant aux minières, aux multinationales du Plan Nord, aux profiteurs de paradis fiscaux. Aux plus vieux qui nous coûtent un bras dans les hôpitaux? Ça devient moins drôle, hein?


D’un autre côté, on entend « Printemps québécois » ou encore, plus fameux, « Printemps érable » pour décrire le mouvement de contestation. Un clin d’œil aux révolutions arabes, je sais. Mais contrairement aux Tunisiens et aux Égyptiens, nous pourrons chasser les Libéraux lors d’une prochaine élection. Aussi faudra-t-il que les plus jeunes, ceux-là même qui se disent politisés et conscientisés, que ces jeunes donc, aillent voter. Ce qu’ils ne font pas depuis des lunes.


Dernier gros mots : fasciste (ou ses variantes entendues comme état-policier, dictature). J’allais écrire encore que ce sont des gros mots, que Charest n’est pas un Hitler sans la moustache, que les policiers ne sont pas des S.S. Mais c’était avant la loi du 17 mai, la Loi spéciale. Charest et la SQ ne sont pas devenus des nazis, non. Mais les gros mots de cette loi me troublent. Qu’on ait voulu calmer le jeu, ça se comprend, ça se justifie. Mais qu’on ajoute à ça l’interdiction de manifester spontanément, peu importe la cause, c’est assez inquiétant. On ouvre une boîte de Pandore, on a les doigts dans l’engrenage et souvent, le bras y passe aussi et il est trop tard. Une loi en vigueur pour plus d’un an. Charest porte de gros sabots, il fait du bruit en marchant : il veut avoir la sainte paix pour la prochaine campagne électorale.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.