S’il est un sujet à la mode ces temps-ci, c’est bien la dette. Grèce, Italie, États-Unis, ici aussi d’ailleurs. Discussion.

– On est endettés comme jamais! Le gouvernement doit couper, pour pas devenircomme la Grèce, dit l’un.   

– Ah? Intéressant. Mais couper dans quoi? répond l’autre.             

– Dans le gras!             

– Aaah…Ouain… dans le gras? Le gras?             

– Ben tsé, couper dans le gras, tsé veut dire?      

– Quel gras? 

– TOUTE!       

– Ouin, mais y a des choses plus importantes que d’autres?          

– Ah! C’est pas pareil! Faut pas couper dans le muscle non plus…               

– Quel muscle?            

– Les affaires, tsé, là…

– Les affaires importantes?        

– Ouais!          

– Tous les ministères doivent être coupés? Coupés où?

– Dans le gras, bordel!               

– Quel gras, c’est quoi le gras?

– Les bureaucrates, les fonctionnaires, tsé, les ronds-de-cuir, j’appelle ça de même, moi, ceux qui font rien, qui restent assis devant leur ordi., à la journée longue. Pas comme le vrai monde…           

– Y en a tant que ça?  

– Si tu savais, mon vieux! C’est désolant… Ils l’ont dit à la télé. Et j’ai un chum, là, qui travaillait au gouvernement… À cause des syndicats, qui protègent les paresseux!  Pis les gros salaires, les grosses retraites que le vrai monde peuvent pas avoir!

– Euh… C’est si simple? On va sauver des milliards avec ça?       

– Non, mais non. Mais y a d’autre gras. En masse! La culture, tiens, mettons.            

– La culture… C’est important, aider nos artistes?              

– Aider? Faire vivre, tu veux dire! Si ce qu’ils font, ça ne pogne pas, on n’a pas à leur donner tant d’argent, tsé… Y vivent comme des stars!      

– C’est pas tant que ça non plus et…      

– C’est déjà trop! La dette, c’est un gros problème!           

– Mais on a aidé GM, il y  a trois ans, les banques aussi, on donne des subventions à plein de compagnies… 

– Ah! Mais c’est différent, là, tsé. Eux, ils créent des jobs, et des jobs, c’est bon pourl’économie. Faut que le monde travaille, faut pas trop avoir de BS non plus, ça coûte cher ça aussi… Eux autres, on devrait les mettre à l’ouvrage. Le vrai monde se lève le matin! Sont pris dans le trafic, courent à la garderie, font les devoirs et le souper… Le monde est tanné, je te le dis!       

– On pourrait taxer les plus riches, remonter la TPS, ça aiderait, pour le déficit…

– ‘tu fou? On est déjà les plus taxés. Les riches, tsé, faut qu’ils puissent investir, pis ça, ça crée des jobs. Touche pas à la TPS! Le vrai monde étouffe! Faudrait être taxés comme aux États…           

– Les États-Unis vont mal aussi, leurs déficits explosent, non? Deux guerres, en passant, ça coûte un bras.    

– Le terrorisme! Fallait frapper. Le vrai monde avait peur de prendre l’avion, le métro. Ils nous haïssent!          

– Mais des guerres, des avions, des tanks, des missiles et des soldats, c’est beaucoup de gras?        

– Non. C’est du muscle.             

– Quel muscle?            

– Les affaires, là, tsé…

– Les affaires importantes?      

– Ouais!

Je sais, je sais. On dirait des enfants dans une cour d’école qui parlent n’importe comment… 


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.