Je pourrais la jouer simple, cette chronique, et faire un beau lien entre notre printemps à nous qui arrive et le printemps arabe qu’on a connu depuis décembre, en Tunisie, Égypte et Libye. Voilà de vraies révolutions, voilà l’histoire qui s’écrit, devant nous. Bien sûr, on ne peut que se réjouir du départ des dictateurs tunisien et égyptien et féliciter ces deux peuples pour leur courage et leur conviction. Souhaitons que le fou furieux à Kadhafi puisse partir le plus tôt possible.

Ça me rappelle ma soirée de l’autre jour, au Tim Hortons. Il m’arrive parfois d’aller travailler là et y écouter des conversations. Je sais, ce n’est pas poli. Cette fois, deux hommes philosophaient sur les événements de Tunisie et d’Égypte. Ils s’étonnaient de la vitesse du changement survenu, de la persévérance populaire, de la folie des dictateurs déchus, etc. Belle discussion. Puis, l’un de dire à l’autre: «Ça devrait être à nous autres, ici, maintenant de faire ça la révolution!» J’ai failli recracher ma gorgée de café. J’ai surtout failli me lever pour aller remettre quelques pendules à l’heure aussi. Le pire, c’est que ce genre de commentaires, j’en ai lu à quelques reprises sur des blogues ou forums que je consulte. Peut-être certains d’entre vous y ont pensé.

Un peu de perspective, bon sang ! Il faut avoir pris une quelconque drogue dure pour comparer la situation de la Tunisie, de l’Égypte ou de tout autre pays du Moyen-Orient à celle du Québec. Ici, ni dictature, ni interdiction de manifester, ni menace à main armée si tu t’ouvres la trappe contre les autorités. 

Le pas entre manifestation et révolution

Les québécois ne feront jamais la révolution. La dernière s’est faite dans les années 60 et elle était tranquille. Je nous imagine très mal la faire en risquant notre peau. Regardez: pas même six québécois sur dix ont voté la dernière fois, en 2008. Et il faudrait croire maintenant qu’ils sont prêts à descendre la Grande-Allée à Québec, s’installer par milliers sur la Colline parlementaire et camper là pendant des jours, nuits froides ou pas ? Pour des places en garderies ? Contre la dette ? Pour hausser le salaire minimum ? Non. Qu’on aime ou non Charest, c’est nous qui l’avons élu. Trois fois, même.

Au Québec, on marche pour autre chose. Pour le retour d’un club de hockey ou contre la fermeture d’une station de radio. Pour sauver une montagne aussi. On s’assure par contre que les gens s’amusent. Il y a des discours enflammés, des bébelles pour faire du bruit, des ballons partout et des chanteurs populaires qui en profitent aussi pour mousser un album ou un spectacle à venir. Je sais, il y a bien le Témis qui s’est levé debout, pour vrai, mais c’est plutôt rare et peu populaire. Tellement que lors d’une manifestation, le mois dernier, contre le budget Bachand, une grosse centrale syndicale promettait 50$ et toutes les dépenses payées pour ceux qui s’inscrivent et participent. De la graine de révolutionnaires, ça !


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.