« On n’arrive pas chez des gens qui ont près d’un siècle derrière eux avec un boniment de dernière minute. » p.15

Hasard surprenant que le titre du livre alors que les nouvelles font état de milliers d’oiseaux qui meurent en Suède, aux États-Unis, et même au Québec. Ce texte constitue le quatrième roman de l’auteure abitibienne. Dès son premier roman, son talent lui a valu une place parmi les grands noms de la littérature québécoise.

Ici encore, le lecteur retrouvera le penchant de l’auteure pour l’observation sociale. En fait, les personnages constituent la force du texte. Jocelyne Saucier présente ici des vieillards (même si le mot n’est pas politiquement correct) qui choisissent comment vivre leur vie. Cette notion de liberté traverse le texte d’un bout à l’autre et va jusqu’à inclure la mort, liberté ultime. Et cette liberté s’inscrit dans la forêt, dans l’espace nordique, dans cette lumière unique.

L’histoire s’ouvre sur une « jeune » photographe qui suit un projet né d’une rencontre fortuite. Le récit se présente sous le côté banal du quotidien, ces petits clins d’œil du hasard qui tissent la vie. Une vieille dame croisée sur un banc public lui raconte l’histoire des feux qui ont marqué le nord de l’Ontario au début du siècle. Cette géographie servira de décor à la suite des événements. Petit à petit, avec cette lenteur typique de la vie en forêt, la photographe découvrira le pacte de mort entre les trois vieux, mais ce pacte se transforme en pacte de vie au fur et à mesure qu’elle en saisit les paramètres. L’auteure renverse ici la lorgnette : elle présente des vieillards pleins de vie qui s’accommodent de la compagnie de la mort et avec un côté canaille. Les personnages établissent une certaine routine au fond du bois avec le soutien de deux jeunes hommes : Bruno et Steve. Tout au long du texte, il s’instaure une fluidité des prénoms qui reflète la liberté, mais qui joue aussi sur l’aspect multiculturel du nord, dont les noms permettent de retracer les différentes vagues d’immigration par le mélange de prénoms ou noms anglophones et francophones, mais aussi ukrainiens.

Le texte est découpé en onze chapitres aux titres révélateurs qui se terminent généralement sur une petite récapitulation et une amorce du chapitre suivant, moments où le narrateur, qui flotte au-dessus de l’histoire comme une ombre et qui reste externe à l’histoire, reprend la parole. Typique d’un narrateur de conte, il amorce l’histoire et la conclut. Il cède la parole aux personnages afin qu’ils puissent se raconter et donner leur point de vue, apportant parfois des regards différents sur les mêmes événements. Certains lecteurs seront peut-être rebutés par la première page et préfèreront passer directement au premier chapitre.

Ce roman vaut le détour pour la finesse de l’écriture. Jocelyne Saucier décrit l’horreur avec une humanité touchante. Elle raconte comment l’histoire de chacun s’inscrit dans l’Histoire d’un pays, d’un peuple, mais aussi comment elle en est influencée.


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