En septembre 2019, Jean Bacon faisait paraître son premier roman, Chroniques de Capitachouane. Retournant la terre d’un passé encore tout près, l’auteur originaire de Val-d’Or plante son livre le long du rail, entre Senneterre et La Tuque, au mitan du siècle dernier.

Au printemps 1958, Rachel se rend dans le camp forestier de Capitachouane avec son fils, Ariel, dans le but d’y séjourner jusqu’à l’automne. Le père, une ombre dans la vie de sa famille, s’y trouve, lui qui travaille comme surintendant au camp. S’y trouve également toute une petite société qui se déploie en reliefs, en marge du travail forestier qui, s’il en est le prétexte, n’est pas le point focal du livre. En effet, bien que le Capitachouane de Jean Bacon vibre au son de la scierie qui tourne sans arrêt, c’est surtout le quotidien de personnages tous plus excentriques les uns que les autres qui donne son souffle au livre. Du vaillant chef de gare aux frasques de Tit’Ours, « la reine de Capitachouane », en passant par l’homme qui ramasse des souris à Jean-Paul et ses huit frères un peu tapageurs… il y a de tout et tout le monde. Surtout la mort, jamais trop loin dans ces circonstances. Et de cette petite société éclatée, Ariel puise les matériaux primitifs d’une passion naissante pour l’écriture.

Les Chroniques de Capitachouane renferment un évident plaisir d’écrire. Pour bien camper l’atmosphère des lieux auxquels il (re)donne vie, de même que les caractères de ses personnages, l’auteur, sur un ton résolument poétique, n’hésite pas à offrir au lectorat de généreuses descriptions. Par exemple, celle de la gare de train de Capitachouane, à laquelle il accorde de nombreuses pages, comme pour marquer l’importance de ce lieu qui suscite tant d’intérêt dans le campement forestier : « Malgré les larmoiements, les disputes, les faces de mort et les odeurs des soutes à charbon noircissant le paysage, le train suscite tant de joie, chaque jour, sur la place de la gare. Au monde, il n’y a pas plus attendu que cet événement-là » (p. 41). Or, c’est peut-être là également la faiblesse du livre. En effet, à la suite de ce qui apparaît comme un empressement à tout écrire s’installe un bruit de fond, alors que s’entremêlent de façon parfois inorganique éléments de contextes, personnages et sorties impromptues du récit, dans un tout à travers lequel on se prend à chercher son nord. Le récit cède également le pas à quelques longueurs, qui cassent son rythme.

Néanmoins, on trouve dans les Chroniques de Capitachouane un vaste travail de portraitiste à la plume trempée d’imagination qui nous appelle à revisiter ces lieux nés pour disparaître et dont il reste aujourd’hui parfois peu de chose, sinon un nom, des souvenirs, quelques photos ou des livres, quand on est chanceux : « Capitachouane ne fait plus partie de la mémoire collective. Au fond, ce camp n’en a jamais fait partie » (p. 156).