Du plus loin que je me souvienne, les arts ont toujours tenu une place importante dans ma vie. Déjà, toute petite, j’avais 1001 projets de création pour lesquels je remportais souvent une reconnaissance. Autour de moi, deux de mes grands-parents réalisaient une multitude d’objets au cœur de leur foyer familial. Ma grand-mère Petitclerc-Trudel créait des tapis tressés et des courtepointes qui s’avéraient être de véritables tableaux. Elle utilisait les vieux vêtements des enfants et, à l’avant-garde de la récupération, elle les découpait dans différentes formes géométriques et les assemblait pour en faire de véritables mosaïques aux couleurs variées. Mon grand-père Picard, qui était bucheron, a fabriqué avec le bois qu’il a buché, des planches à pain en bouleau avec leur couteau monté à partir d’une scie à bois. Et tout ceci, à notre insu, pour les offrir en cadeau à Noël. Ces objets uniques, réalisés par des artisans qui ne vivaient pourtant pas de leur art, ont toujours suscité mon admiration et continuent à vivre autour de moi. Ils sont le fil conducteur de mon histoire, ils font partie de mon identité québécoise et ils sont l’expression de multiples savoir-faire. Bref, ils ont éveillé ma sensibilité et mon intérêt particulier pour les métiers d’art et les savoir-faire traditionnels. Devenue adulte, j’ai toujours une multitude de projets de création en tête et j’explore autant le tissage que le tricot, la peinture, la céramique ainsi que la restauration de meubles anciens.

Aujourd’hui, après plus de dix ans comme responsable du Centre d’art de La Sarre, les métiers d’art et la passion qu’ils m’inspirent demeurent intacts. Utilitaires, décoratifs ou artistiques, les objets faits main méritent d’avoir leurs lettres de noblesse et c’est dans cet esprit que j’ai entamé, il y a quelques années, la réorientation du centre d’art afin d’en faire un lieu de diffusion spécialisé. Les objets issus d’un savoir-faire en métiers d’art illustrent un travail de la matière et une expression propre à chacun des créateurs qui se cachent derrière ceux-ci. À travers mon implication et ma passion ainsi que la programmation du centre d’art, je tente à la fois de démystifier et surtout de faire rayonner la polyvalence et la multiplicité des pratiques en métiers d’art par la sensibilisation dans ma communauté à l’aide de projets structurants.

Notre belle région fait face à deux grands enjeux en ce qui a trait à la diffusion des métiers d’art professionnels. D’abord, la difficulté de s’assurer de la diversité de ce qui se fait au Québec afin de faire découvrir à notre communauté la multiplicité des pratiques et ensuite, les coûts afférents au transport des œuvres et des artistes. Comme dans tous les domaines de création artistique, le contact des publics avec les artistes permet un échange direct quant à leur démarche et facilite l’éveil aux différentes pratiques. Malgré les contraintes d’accès et de coûts de transport, il m’apparaît essentiel d’encourager les idées créatrices et artistiques des artistes et de permettre une visibilité accrue de leur travail par la mise en valeur de leur travail de différentes manières.

Les métiers d’art, qu’est-ce que c’est?

L’identité des métiers d’art et du travail des artistes, artisanes et artisans n’est pas facile à définir. On distingue plus de cent métiers dans le domaine professionnel des métiers d’art, incluant ceux de l’architecture et du patrimoine. Entre le concept d’artisanat traditionnel, le design, la création artistique, l’industrie, les pratiques hybrides et la multitude d’objets offerts au public, les professionnelles et professionnels des métiers d’art doivent eux-mêmes se situer, individuellement ou collectivement, afin de garder leur place vivante et de l’accroître dans le domaine des arts et sur les marchés nationaux et internationaux. Aujourd’hui, le terme artisan est encore couramment utilisé pour désigner la personne qui conçoit et fabrique des pièces de série destinées à une fonction utilitaire ou décorative. Il fait également référence à un savoir-faire de la transformation de matière et à la transmission de celui-ci. Le terme artiste tend à s’appliquer aux créateurs de pièces uniques aussi nommées œuvres d’expression et de petites séries. Pour l’artiste qui a une pratique en métiers d’art, l’imaginaire de l’objet prend différents visages. Ces objets innovants mettent de l’avant l’idée de la forme ou de l’image qui constitue alors la véritable fonction de ceux-ci. Finalement, lorsqu’il aborde les métiers d’art, Bruno Andrus, docteur en histoire de l’art québécois et souffleur de verre, parle davantage de transformation de la matière dans une perspective qui propose quatre axes de développement au fil des décennies, soit l’approche artisanale, l’approche industrielle, l’approche environnementale et l’approche artistique.


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