Le 14 avril dernier, à l’Agora des arts et en simultané sur le net, a eu lieu la première mise en lecture du festival du Jamais Lu Mobile : Un coin jeté dans l’Nord, texte de théâtre écrit par Nicolas Lauzon et Alexandre Castonguay. Il y a eu des frissons, des rires, des applaudissements et un ravissement brut. Un coin jeté dans l’Nord est un texte brillant et coupant comme le quartz.

On y fait la connaissance d’une femme qui revient de la ville, et qui retrouve son père. Ensuite, son ancien amoureux (ou amant ou, bref, ce qui lui en a tenu lieu). Puis, les gars de la shop, tenus sous le joug de Taureau. Ils ont perdu leur job à cause d’elle, et la vie au village a drastiquement changé, plongeant les habitants dans une désolation sans nom. Alors, revenir pourquoi? Pour affronter son destin : l’oracle s’est scellé.

Ce Nord, il pourrait se trouver ailleurs : il représente tout village dont l’économie repose sur une industrie exploitant les matières naturelles premières, à la merci des patrons, où la vitalité se compte autant en pick-ups et en ski-doos qu’en nombre d’enfants inscrits à l’école. Un lieu qui n’existe pas et qui regroupe en même temps toutes les déclinaisons des petites villes. Se démener pour (sur?) vivre est un thème universel, et il nous est présenté ici dans une familiarité qui séduit.

La formule de la baladodiffusion nous plonge dans un univers enveloppant. Parfois, on a l’impression que cela va trop vite, mais le texte est fait pour nous entraîner dans son tourbillon. Il offre des clés, mais pas toujours les portes qui leur sont destinées. La vie, comme la poésie, comme le théâtre, elle ne s’offre pas toujours dans une transparence absolue. Si on se sent parfois aspiré dans ce carnaval instable, c’est OK. C’est correct. C’est la vie, et la vie, elle nous projette parfois dans tous les sens.

La douleur. L’abandon. Les rêves. L’amour. Le futur. Le passé. La mort. Le destin. La lutte. La vie. La survie. Ce texte nous offre les points essentiels d’une tragédie grecque contemporaine. La force du texte, des personnages et des répliques sont de ce calibre.

LES AUTEURS

Alexandre Castonguay est comédien, auteur et metteur en scène. Il a gagné le prix de l’artiste de l’année (Conseil des arts et des lettres du Québec – Abitibi-Témiscamingue) et il a publié son premier livre : J’attends l’autobus (Éditions de Ta Mère). Nicolas Lauzon est poète et professeur. Boursier, il a publié quatre recueils de poésie.

Chacun à leur manière, ils parlent de l’intime comme du collectif, et si leur union est surprenante (leurs styles respectifs sont différents), le fruit de leur collaboration offre une justesse percutante et une complémentarité innée. Qui a écrit quoi? Impossible à dire, tant leurs écrits ont su se fusionner dans ceux de l’autre. Ce texte est fort, percutant, drôle et tendre par moments, métaphorique et ancré dans le réel tout à la fois.

LE FESTIVAL

Le Festival du Jamais Lu est un festival théâtral qui présente au public, dans une ambiance privilégiée, de nouveaux textes théâtraux que cet « organisme de développement de la dramaturgie », comme il se nomme lui-même, accompagne alors dans un processus de diffusion.

L’édition 2021 offre l’implication des régions, où sont installées les quatre antennes du festival : Abitibi-Témiscamingue, Estrie, Gaspésie et Saguenay–Lac-Saint-Jean. Les baladodiffusions sont disponibles sur le Web.


Auteur/trice

Après avoir enseigné le français, le théâtre et la littérature au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, Gabrielle Demers oeuvre dans le domaine de la pédagogie universitaire. Elle s’adonne aussi à la performance, aux installations artistiques et aux arts imprimés. Elle se questionne sur les enjeux actuels liés à la féminité dans l’espace public, entre autres.