« Je lui ai dit que le Canada est un pays de nombrilistes vaniteux dépourvus d’humanité et de principes moraux. » C’est ce que pense Shams à son arrivée à Montréal après avoir dû quitter son pays en guerre, la Syrie. Shams va donc devoir apprendre à se construire une nouvelle vie dans une nation démocratique où il ne se sent pas chez lui.

Tireur embusqué (Mémoire d’encrier) nous livre le récit de la quête identitaire d’un jeune adolescent syrien. En tant que nouvel immigrant, Shams est déchiré entre la violence de son passé et sa vie nouvelle au Canada où les tireurs embusqués ne se trouvent pas à chaque coin de rue. Impliqué dans un conflit à son école, il doit suivre une thérapie avec un psychologue afin de ne plus avoir un comportement agressif.

C’est sans censure que l’auteur Jean-Pierre Gorkynian plonge le lecteur dans la réalité cruelle de la guerre en Syrie. Le lecteur est transporté dans un univers totalement différent de celui du Nord-Américain. Les Syriens sont constamment sur le qui-vive, car les bombes et les conflits armés font partie de leur quotidien. Ils frôlent la mort chaque minute de leur vie.

L’auteur exploite les thèmes du deuil et de la quête identitaire avec succès. Immigrant de deuxième génération ayant constaté les cicatrices laissées par la guerre dans sa famille, l’auteur s’est rendu dans les ruines d’Alep deux fois, en Syrie, pour en apprendre davantage sur les horreurs des combats qui engendrent stress, deuils et exils. Les lecteurs pénètrent dans l’univers de la guerre sans difficulté, puisque l’auteur a écrit son roman en alliant les registres de langue courant et familier. Il utilise d’ailleurs des québécismes et des dialogues qui rendent la lecture vivante et soulignent le contraste entre la Syrie et Montréal.

Le roman traite également des différences culturelles. « Dans mon pays, celui qui refuse de se battre ne survit pas. » D’ailleurs, Shams ne comprend pas comment les jeux vidéo en lien avec la mort peuvent divertir quand, en Syrie, les gens tombent comme des mouches au sol.

On s’attache facilement aux personnages et à leurs histoires : Kevin, fuyant sa famille dysfonctionnelle, et Aya, vivant avec un père conservateur. Le roman nous fait ressentir un tourbillon d’émotions passant par l’empathie, la colère et la tristesse. Il aurait toutefois été intéressant d’en savoir un peu plus sur l’histoire d’Aya et de Shams, qui se réfugient constamment dans l’appartement 412 de leur immeuble.

Tireur embusqué raconte bien les difficultés vécues par les immigrants qui arrivent sur un territoire inconnu où ils doivent tout recommencer à zéro. C’est un pays qu’ils ne considèrent pas comme le leur, mais qu’ils auront la chance d’apprendre à aimer peu à peu grâce à de nouvelles rencontres.

Lire les autres critiques sur les finalistes du Prix littéraire des collégiens :

« Se souvenir des blancs de mémoire » – Ténèbre de Paul Kawczak

http://indicebohemien.org/articles/2021/04/se-souvenir-des-blancs-de-memoire#.YJr192ZKg1I 

« En mémoire des oubliés » – Le Mammouth de Pierre Samson

http://indicebohemien.org/articles/2021/04/en-memoire-des-oublies#.YJr042ZKg1I

« Chasser pour se trouver » – Chasse à l’homme de Sophie Létourneau

http://indicebohemien.org/articles/2021/04/chasser-pour-se-trouver#.YJr232ZKg1I 

« Pèlerinage de l’intime » – Une joie sans remède de Mélissa Grégoire

http://indicebohemien.org/articles/2021/04/pelerinage-de-lintime#.YJr1AmZKg1I 


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